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Critique de NMTB


NMTB
20 décembre 2017
Trois textes sur trois auteurs. Je ne dirai rien du premier, sur Pascal, magnifiquement écrit comme les autres, mais qui est le moins profond, juste un éloge, un encensement et même une sanctification. le deuxième, sur Ibsen, est le plus ardu, le plus long et le plus intéressant à méditer. Ardu parce que Suarès ne recule devant aucune contradiction, la logique lui importe peu : entre la raison et le coeur, il prend sans ambiguïté le parti du coeur. Il s'intéresse dans ce texte à l'évolution morale d'Ibsen, il se met parfois dans sa peau. Ce qui importe, pour ne pas perdre de temps, c'est de comprendre que Suarès fait une grande distinction entre la morale et la religion : « La manie de confondre la religion dans la morale n'est pas le fait d'un esprit bien libre. Que toutes deux se soutiennent, il est vrai ; mais inégalement. L'une se passe fort bien de l'autre, — qui est la religion. La morale ne lui rendra pas la pareille : elle ne peut. C'est à la vie même que se lie la religion ; elle procède de l'instinct le plus radical dans l'homme, le désir de vivre. » Dès ce texte, on sent bien, même s'il n'est jamais cité, que la pensée de Nietzsche se trouve en toile de fond et qu'il l'a parfaitement assimilée, tout en s'en détachant. La morale est une question de volonté, elle procède de la religion au sens large, le désir qui se fait volonté ; et la morale publique est toujours imposée par la volonté du plus fort (ou du groupe le plus fort, puisque Suarès considère que la démocratie est une religion), mais ce qui prime c'est toujours l'amour qui passe par la douleur et se transforme en charité. On pourrait dire d'une certaine façon que Suarès fait un aller-retour dans l'au-delà du bien et du mal.
« En Dostoïevski, j'admire un Nietzsche racheté », écrit-il à la fin du dernier texte consacré à l'auteur russe. Là aussi, un admirable texte ; on ne saurait plus joliment résumer ce que l'on ressent après une visite dans l'univers de Dostoïevski que le fait Suarès en une phrase : « J'ai vécu avec lui dans la ville ardente et morne, où les ivrognes et les mystiques se donnent le bras, où de funèbres hypocrites baisent aux lèvres des rebelles candides ; où la pire corruption, qui est triste, engraisse de son fumier l'innocence subtile ; où la luxure est un raisin à pépins de remords, et où les vierges ont une odeur qui tente le péché. » Suarès connait bien mieux les auteurs dont il parle que moi, mais je suis à peu près certain qu'il n'écrit pas de bêtises ou d'approximations. On peut faire confiance à sa lecture personnelle, qui n'efface rien des auteurs et ne ment pas. Une seule chose m'a ennuyé, une extrapolation sur la vie intime de Dostoïevski. Il rechigne un peu à le dire mais il finit quand même par lâcher le morceau : il pense que Dostoïevski a eu une relation pédophile, à cause de sa vénération de l'innocence et du mystérieux remords qui imprègne toute son oeuvre. Je n'aime pas beaucoup ce genre d'extrapolation, et j'aurais tendance à croire que les choses sont moins singulières ; il en faut peu pour faire un grand remords, un remords sincère c'est comme être accablé de tous les péchés du monde.
Mais s'il y a une qualité que Suarès donne en partage à ces trois auteurs c'est la passion. Pascal est un passionné de Dieu, Ibsen un passionné de morale et Dostoïevski un passionné de la vie. Il faut de la passion dans la vie. Comme dirait Baudelaire : « Enivrez-vous sans cesse ! de vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »

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