AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de SophieLesBasBleus


L'infiniment vaste de l'horizon et le tout exigu d'une bille colorée trouvée sur le chemin de l'école et gardée en trésor comme la promesse d'une possibilité d'ailleurs... le regard d'Angèle se pose sur les choses, sur les lieux et sur les gens, troublé par leurs mystères. Un pas après l'autre, un rêve après l'autre, Angèle absorbe ce qui fait son monde familier jusqu'à l'incertain, jusqu'à une opacité qu'elle pressent sans en discerner les contours. Comme en suspens juste au-dessus de la frontière de l'enfance, elle observe, elle s'imprègne du monde, en essayant de lui donner sens avec les moyens que l'enfance met à sa disposition. Elle essuie la méchanceté et la bonté d'un même mouvement, comme elle essuie le carrelage de la maison familiale avec une wassingue, sans toutefois avoir la force de tordre. Tordre la serpillière, tordre les mauvais rêves pour en essorer la crainte, tordre les gestes cruels pour ne garder que l'innocence, tordre la réalité pour parvenir à en extraire les mots qui libèrent, il faut grandir pour y réussir et grandir c'est tout un apprentissage...

Lucien Suel excelle à dire aussi bien la consistance de la terre et de la brique que l'impalpable frémissement d'un être qui s'éveille. Sous ses mots, Angèle devient fillette-fée, aussi légère que les nuages auxquels elle donne forme, et aventurière d'un quotidien ordinaire, alourdie de tout ce qu'elle ne peut exprimer. La poésie, le lyrisme se déploient dans les évocations sensibles comme dans les détails les plus prosaïques. C'est toute l'enfance qui nous revient en vagues sensorielles et craintives. Ce moment d'équilibre instable où la conscience s'affûte sans que les mots puissent encore l'affirmer. Ce moment où, comme une wassingue, on éponge toute la réalité en vrac, sans pouvoir trier, ni essorer. Angèle, personnage solaire par la grâce d'une écriture ciselée, sautille sur la marelle du temps et fait sans cesse renaître les saisons tendres et cruelles de tous les apprentissages.
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}