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Critique de Zonaires


A l'école, elle faisait des fautes et elle avait envie de se dire que la faute en revenait à sa condition, à ses origines. Famille d'immigrés, famille d'ouvriers prise dans le carcan de l'usine, prise par la seule nécessité de ne pas briser la mécanique de l'atelier. Un père qui fait ce qu'il faut, une mère qui connaît le prix du manque et elle, enfant qui ne sait rien, qui devine peut-être, qui admire le sacrifice des hommes, enfant qui ressent l'abnégation, la servitude, le renoncement, enfant qui lorgne sur l'autre monde, dans l'envers de cette vie-là, enfant qui cherche les mots, qui veut échapper, inventer, découvrir une voie, croiser des voix, rencontrer un ailleurs, un autre, rompre avec le silence, l'enfermement. Et voilà qu'arrivée à l'âge adulte Fabienne Swiatly se met en tête de courir après ses rêves. Elle est pleine de cette énergie qui donne des ailes et qui repousse les obstacles. Heureusement, l'époque incite au rêve et à la désobéissance, dit-elle. Elle s'instruit ça et là de ce qu'elle pressentait, la liberté sous condition, les exigences pliées en quatre, le désir remisé au fond des poches, la condescendance, la mesquinerie, le mépris, le rejet, l'ignorance, mais quand même avec au bout toujours cette idée qu'il faut y aller encore et encore, naviguer à bord de cette mirifique galère des bons à rien, quitte à vivre avec le coeur froissé et la tête dans des étoiles blafardes.
Plus d'une fois elle rendra son tablier sans mot dire, presque sans maudire. Jusqu'à cette idée de reconquérir le verbe et de reprendre la main en s'inventant de nouveaux territoires. Avec la mise en chantier d'ateliers d'écritures elle balaiera les doutes, les tergiversations, la hantise de la faute.
Et alors viendront les mots qui disent l'attente, les pensées, les saignements. Des mots que diront des femmes, des ouvriers, des prisonniers, des malades mentaux rencontrés au nom de l'humanisme et du salariat, des mots qui vont donner du corps à sa voix, faire écho à ses propres turpitudes, résonner au-delà de la nécessité de gagner sa vie. Ecrire, c'est rester éveiller quand tout s'endort. Des mots qui créent l'essentiel, le lien.
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