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Critique de 5Arabella


Publié pour la première fois en 1704, le texte connaît sa version définitive en 1710. Swift a une trentaine d'années lorsqu'il compose l'ouvrage, on peut donc le considérer comme une oeuvre de jeunesse, et il est bien évidemment bien moins connu que Les voyages de Gulliver. le livre paraît d'abord sous couvert d'anonymat, et il va déclencher des réactions très violentes, l'auteur a même été taxé de blasphème par certains. Il a contribué à empêcher Swift d'obtenir les fonctions épiscopales auxquelles il aspirait. Il est très composite et complexe à interpréter, mais par moments terriblement drôle, ce qui a mon avis lui permet de susciter un l'intérêt encore de nos jours.

Le texte se place dans le vaste débat que l'on a appelé la querelles des Modernes et des Anciens, Swift prenant place dans les rangs des défenseurs des Anciens. Mais il le fait d'une manière dont le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle est iconoclaste, et en y joignant une discussion de nature religieuse. le conte du tonneau désigne en anglais un récit sans queue ni tête, et c'est un peu ce genre de construction que l'auteur propose à ses lecteurs.

Le texte commence par une « Épître dédicatoire à son Altesse Royale le Prince Postérité » puis une Préface, qui de manière évidente font partie du texte en tant que tel. Puis viennent onze sections, qui composent l'oeuvre, 6 font référence au Conte du titre, et les 5 autres sont des digressions assumées en tant que telles, au point où l'une est un éloge des digressions.

Le conte à proprement parlé suit trois frères, Peter, Martin et Jack, représentant respectivement le catholicisme, l'anglicanisme (Martin Luther), auquel appartenait Swift en tant qu'ecclésiastique, et le protestantisme dissident, puritanisme (Jean Calvin). Leur père leur lègue à sa mort des habits identiques, avec interdiction d'y changer quoi que soit. Mais chacun des trois frères va interpréter différemment l'héritage paternel : Peter va le surcharger d'ornements, Jack le met en pièces, Martin le dépouille de toute décoration superflue. Swift fustige et moque tour à tour la catholicisme, ses dogmes, ses papes, ses richesses, et les puritains, qu'il accuse de dogmatisme et d'extrémisme. Il parcours l'histoire de la religion chrétienne d'une manière non conventionnelle et ironique.

Cette partie du texte est encadrée par les digressions, qui évoquent la fameuse querelle des Anciens et Modernes. Swift fustige tour à tour les critiques littéraires, les éditeurs, les plumitifs en quête du succès à tout prix, la science et les savants, bref toutes les manifestations du savoir, ou de la prétention à ce savoir, de son époque. Et les revendiqués Modernes, qui pensent en savoir bien plus que les Anciens, qu'ils pillent, ou qu'ils réinventent sans même sans rendre compte, en partie par ignorance, en partie par mauvaise foi. Ces préoccupations apparaissent par moments dans la partie consacrée aux trois frères, les deux proses ne sont pas imperméables l'une à l'autre. Les célébrités de son temps en prennent pour leur grade, en particulier Temple, un ardent défenseur des Modernes qu'il démonte impitoyablement, et parmi les auteurs un peu plus connu, Hobbes. le titre (Le conte du tonneau) pourrait être inspiré par le Léviathan de cet auteur. En effet, est citée une anecdote, dans laquelle les marins menacés par une baleine, auraient l'habitude de lui lancer un tonneau pour distraire l'animal et lui faire oublier le bateau. le livre de Swift serait donc ce leurre, censé distraire, faire perdre son temps aux monstres modernes.

Là où les choses se compliquent, lorsqu'on veut des interprétations au texte de Swift, c'est qu'il est difficile de distinguer ce qui relève de l'ironie, de la moquerie, de la dénonciation comme on dirait aujourd'hui de ses opinions véritables. Où s'arrête la parodie et où commence la profession de foi ? Difficile de le dire. D'où les multiples et contradictoires lectures faites de l'oeuvre.

Le livre n'est pas forcément simple à lire, du fait de ses multiples références, à la religion, aux personnages célèbres dont la majorité est bien oubliée aujourd'hui, aux événements historiques, au contexte de la controverse des Anciens et des Modernes etc. Mais Swift est très drôle, très caustique, et cet humour reste efficace dans une bonne partie du texte, même pour le lecteur actuel.
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