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Critique de lafilledepassage


Ils s'appellent Jane, Kevin, Mary, Brian, Gloria, Tommy et Clive. Ils sont des maris fatigués de vivre et délaissant leur épouse, des femmes infidèles rongées par les regrets, des mères trompées, déprimées, battues, des demi-frères qui se côtoient en ignorant leur consanguinité, des jeunes hommes dont les yeux débordent de rêves, des jeunes femmes qui donnent un peu de chaleur et d'écoute aux losers, aux paumés, aux esseulés, aux écrasés, aux stressés, aux éteints, aux enragés, … Ce sont les guerriers spartiates modernes, les Médée prêtes à dévorer leurs enfants pour échapper à l'anonymat, les femelles en chaleur qui se déchainent pour la dernière star permabronzée du petit écran, véritable Dionysos.

Kate Tempest nous parle de ces « héroïnes, enlisées dans le boulot pénible de faire toute seule un homme d'un garçon », de ces filles « dont les cicatrices sont profondes mais une seule seconde d'un de ses sourires résonne en toi une semaine entière. ». Elle nous parle de ces voisins que nous croisons sans les saluer, sans même les regarder, pas le temps, pas l'envie, de ces personnes dont nous ne connaissons même pas le nom, alors que nous savons le nom de people riches et célèbres, le nom de leurs ex-copines et les nouveaux copains de leurs ex-copines. Elle nous parle de nous, qui sommes debout tôt encore et travaillons jusque tard, faisons la queue. Nous à genoux, perdus, épuisés. Deadlines, dettes, divorces. Elle nous parle de notre vocation oubliée, de notre sagesse oubliée, de notre oubli de comment se parler, de comment écouter.

Mais surtout elle nous parle de notre humanité si fragile, et pourtant présente dans chacun de nous, de nos menus héroïsmes, de nos épopées quotidiennes. Elle regrette les temps anciens, empreints de merveilleux, de fables, d'histoires avec des dieux imparfaits, presqu'à notre image, des dieux qui ne jugent pas. Elle exprime le besoin urgent de réenchanter notre vie, malgré l'usure, la fatigue, le prêt à payer, les enfants à éduquer, … Elle nous parle de notre courage d'aimer notre prochain, qui fait de nous l'égal des dieux. Nous sommes nés pour être grand. Il faut le croire, le savoir et le puiser dans les larmes des poètes. Nous sommes des dieux, accessibles, perfectibles, sublimes parfois. Et terriblement humains. Nous sommes les nouveaux anciens.

Ce long poème a été écrit pour être lu à haute voix, et peut-être même chanté comme l'étaient l'Iliade et l'Odyssée, comme l'étaient tous les poèmes de l'Antiquité. Malheureusement, en lisant ce texte en français, on perd énormément de la mélodie et du rythme du texte. Disparues les consonances, assonances, allitérations, jeux de mots. Evanouie la scansion. Il reste des enregistrements sur le net à droite et à gauche de Kate Tempest lisant son propre texte. Pur bonheur.

Franchement l'éditeur aurait dû joindre le CD du texte lu par l'auteur à cette publication, pour le plaisir de la musique que même les personnes ne comprenant pas grand-chose à l'anglais peuvent apprécier (j'en suis un fier exemple). Là on reste vraiment sur sa faim. Dommage.
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