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Critique de brumaire


Le fait que William Makepeace Thackeray naisse à Calcutta en Inde peut être vu comme un pur hasard ou comme un signe du destin. En effet toute la "philosophie" qui sous tend La Foire aux vanités est un avatar du Boudhisme, me semble-t-il. Mais n'est pas Siddartha Gautama qui veut et aucun de nos héros victoriens empêtrés dans leurs illusions n'atteindra l'Eveil !
Ce que Thackeray veut montrer (et non démontrer) dans son roman c'est l'universalité des passions qui conduisent les Hommes. Et parmi celles ci la vanité (un des cinq "poisons" du Boudhisme qui nous empêchent de voir la réalité en face) semble bien mener les humains dans un univers lui même mené par une force aveugle et cyclique. J'entends "vanité" au sens biblique du mot , pour l'autre définition la prétention suffisante , Joe Sedley un acteur de la Foire aux vanités nous en offrira un bel exemple. Car il est temps de redescendre sur terre et de laisser là ces , peut-être, fumeuses élucubrations comparatives !

Donc l'Angleterre du début du 19e siècle. Un milieu aisé de commerçants enrichis, de petits aristocrates, d'officiers incultes, bref la "gentry". le moteur de cette société c'est l'argent. Pour paraître. Pour se faire présenter à la Cour par exemple. Pour jouer au jeu des sommes folles que nous n'avons pas. Paraître. Pour acheter les plus beaux chevaux , pour inviter les Lords du Parlement, pour son train de vie : domestiques,chasses,vins de Bordeaux. Paraître encore et toujours. Vanité, vanités.
C'est dans ce milieu que l'auteur va lâcher deux petites jouvencelles tout juste sorties du pensionnat de Miss Pinkerton : Miss Amelia et Miss Rebecca.L'une, douce et aimable, riche de potentialités au propre comme au figuré car fille d'un riche négociant de la City, l'autre , Rebecca, est une orpheline sans le sous, douée d'un caractère à l'opposé de son amie. On dirait aujourd'hui qu'elle a les dents qui rayent le parquet . A priori leur destin semble tracé. Pour l'une un riche mariage pour l'autre au mieux une place de gouvernante. Mais la roue tourne, Shiva fait danser le Monde. Rebecca l'orpheline se hissera par le mensonge et la rouerie dans les hautes sphères de la société d'où la chute n'en sera que plus dure. Notre douce Amelia, si bonne et un peu godiche avouons le,expérimentera le trajet inverse. Pour les âmes sensibles, sans dévoiler les péripéties, je peux annoncer cependant une happy end !
Autour de ces deux héroïnes s'agitent de beaux monstres , la plupart passant la plus grande partie de leur temps à la recherche d'argent, le moteur indispensable pour paraître. Certains courent les dots, d'autres supputent leurs chances d'hériter de leur vieille tante. Un monde à la Hogarth.
Thackeray a la verve jubilatoire. L'ironie et le sarcasme, l'humour aussi, sont omniprésents. La Foire aux vanités est présentée par l'auteur dans une courte préface comme un théâtre dont lui même manipulerait les acteurs ; et il s'en prive d'autant moins qu'il intervient souvent dans le roman . Bref c'est Dieu himself. Plus encore que son intrigue somme toute minimaliste le roman m'a captivé par le côté "Choses vues". L'histoire est en phase avec L Histoire. Thackeray est peintre quand il nous montre les préparatifs de la bataille de Waterloo, quand il nous décrit la campagne anglaise, quand il consacre plusieurs pages merveilleuses à l'embarquement de la bonne société sur le "ferry" pour la Hollande sur lequel , déjà , on embarquait les voitures....à chevaux ou quand il nous ressuscite l'atmosphère d'une petite cour princière allemande.
J'ai lu ce livre dans sa première traduction française du 19e siècle (Georges Guiffey). Il paraîtrait qu'une nouvelle traduction plus moderne existât. Dans celle ci (Folio) le préfacier Sylvère Monod met précisément en garde contre les archaïsmes typiques 19e de Georges Guiffey. Bof...je peux vous assurer que cela ne m'a point gâté mon plaisir !
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