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15 juillet 2015
L’option pour la vie d’autrui est constitutive de l’option pour sa propre vie

Frédéric Thomas dans son éditorial indique, entre autres : « Ce numéro d’Alternatives Sud, coédité avec l’ONG belge Solidarité socialiste, qui, depuis plusieurs années, mène avec ses partenaires africains et latino-américains un travail autour de cette thématique, cherche à mieux appréhender ce phénomène, à partir d’une triple perspective : les réflexions et expériences d’acteurs du Sud, en rapport avec leurs luttes ; la dimension solidaire de cette économie ; et, enfin et surtout, l’interrogation autour des limites et potentialités transformatrices de cet ensemble de pratiques. Dans un premier temps, nous nous centrerons d’abord sur l’économie sociale ; l’expression, plus consensuelle, étant très largement utilisée. Dans un second temps, nous aborderons plus spécifiquement l’ESS, pour mieux faire ressortir ce que le troisième terme – solidaire – apporte au concept et opère comme transformations. Réunissant 9 articles, tous inédits en français, dont 6 originaux, ce numéro propose une analyse actualisée des dynamiques, acteurs et défis de l’ESS sur les trois continents, en fonction d’études contextuelles nationales, dont certaines offrent, pour la première fois, une vue d’ensemble de la situation de ces pays ».

Il rappelle qu’il existerait plus de 700 000 coopératives et mutuelles à travers le monde, regroupant plus de 800 millions de membres. L’éditorialiste parle de cultures traditionnelles et autochtones et de programmes de développement institutionnalisés, de complexité des situations nationales, de contradictions entre les organisations « les plus formalisées et structurées » et leurs « principes »…

Il souligne que bien des organisations classées dans l’économie sociale et solidaire « ne sont donc pas en soi, « naturellement », des activités inscrites dans l’économie sociale », de la nécessité d’analyser « les statuts, la vision, les rapports de pouvoir, les modes engagements, etc ., mais surtout les pratiques de ces organisations ». Il ajoute, à juste titre, la participation effective (des jeunes et des femmes principalement), « Et de le faire à la fois à partir d’une définition stricte et claire de ces principes, et d’une évaluation souple et progressive de leur mise en œuvre, tant nombre de ces expériences sont ambivalentes, imparfaites, et que la traduction de ces principes dans la pratique s’apparente plus à un long processus accidenté, qu’à un résultat définitivement acquis et garanti ».

Frédéric Thomas parle des potentiels et des limites de l’économie sociale, des actions localisées et des ambitions globales. Il interroge « Comment changer d’échelle sans changer de nature ? » et montre les ambiguité des politiques publiques, tout en insistant sur l’autonomie des acteurs et actrices :

« – appuyer les acteurs de l’économie sociale sans les rendre dépendants des politiques publiques ;

– inscrire cet appui dans la durée, en institutionnalisant ce soutien afin qu’il ne se réduise pas à des mesures gouvernementales – ou, sous une forme négative, à du clientélisme – pouvant être remises en question à l’occasion d’un changement de gouvernement ;

– enfin, fondre cet appui dans une stratégie de co-construction (Unrisd, 2014), qui assure la participation et l’autonomie des organisations sociales. Outre l’autonomie, la question de l’articulation entre acteurs publics et société civile constitue un enjeu important. L’économie sociale est ainsi souvent affectée négativement par la non-reconnaissance de son potentiel global et de sa diversité (en termes d’acteurs principalement). Les gouvernements ont tendance en effet à circonscrire ce secteur, en en faisant un outil de lutte contre la pauvreté et le chômage, plutôt qu’une alternative globale. Son action risque alors d’être cantonnée au rôle d’auxiliaire des pouvoirs publics, de remplissage des vides ou à l’apport de réponses assistantialistes aux besoins les plus urgents des populations que l’État ne peut toucher… sans pour autant que la prestation de ses services soit assurée d’être de qualité et quantitativement suffisante. Sous sa forme la plus pernicieuse, cette articulation peut se traduire – et s’est effectivement traduite, notamment en Afrique, sous l’impulsion de la Banque mondiale, recommandant de confier ces services à l’initiative privée et/ou à des ONG, jugées plus efficaces – par une privatisation des services publics et une substitution des États, qui devraient assumer ses responsabilités (Unrisd, 2014) ou, sous la pression des agences internationales et ONG de développement, à la mise en place de mécanismes et d’espaces qui « doublent » les institutions et services publics ».

L’auteur invite à « réorienter la réflexion critique en-deçà des politiques sociales et de lutte contre la pauvreté, pour interroger la matrice néolibérale (et/ou extractiviste) et les marqueurs des échanges commerciaux, qui d’ordinaire échappent à l’analyse critique, alors même qu’ils conditionnent l’ensemble des relations sociales »…

Reste, à mes yeux, que la polysémie des termes « économie sociale et solidaire » et l’agrégation de multiples formes sociales très différentes, rendent peu lisibles les dimensions d’autodéfense et/ou de pratiques remettant en cause (subvertissant) des rapports sociaux réellement existants.

Colombie, Brésil, Bolivie, Haïti, Burundi, Sénégal, Maroc, Inde (Kerala), Chine…

Je ne m’attarde que sur le premier des articles.

Natalia Quiroga Diaz rappelle la redéfinition du travail par les féministes, redéfinition toujours peu accepté par certain-e-s marxiennes. Elle souligne « le caractère historique des processus économiques et l’hétérogénéité des pratiques qui les caractérisent », l’importance des activités non marchandes « Ces activités comprennent par exemple les espaces liés aux services domestiques et aux activités de reproduction et révèlent l’existence d’une pluralité de pratiques économiques inscrites dans des savoirs fondés sur des dimensions ethnique, territoriale et de genre. Par conséquent, ces économies élargissent le champ et les possibles d’action des politiques publiques en revalorisant les pratiques existantes ». L’auteure parle aussi des rapports de subordination liés au genre et aux générations, de la satisfaction des besoins communs (matériels et immatériels), des processus collectifs visant à dépasser la fragmentation et la concurrence sauvage, de la division sexuelle du travail. Elle insiste sur « le principe d’interdépendance avec autrui », parle « d’une économie féministe », critique la naturalisation de la responsabilité féminine de la reproduction ou la séparation artificielle « que le capitalisme impose entre la production et la reproduction », souligne les apports de l’économie féministe « décoloniale »…

J’ai particulièrement été intéressé par les paragraphes sur les pratiques d’économie sociale, l’économie des soins domestiques, les logiques de contre-prestation, de coparticipation, d’autogestion, des espaces du commun en ville… Le titre de cette note est extrait de cet article.

Je signale aussi, l’article très détaillé sur le milieu rural haïtien, l’analyse des contradictions entre extractivisme at autonomie en Bolivie, et dans de nombreux articles, les analyses sur la place des femmes (par exemple sur la sécurisation des quartiers au Kerala), la sécurité alimentaire ou la protection sociale…


Sommaire

Editorial : Frédéric Thomas : L’économie sociale et solidaire : Enjeux, défis et perspectives

En Amérique latine

Natalia Quiroga Diaz : Féminisme « décolonial » et économie sociale et populaire

Luiz Inácio Gaiger et Patricia Sorgatto Kuyven : Portrait de l’économie solidaire au Brésil

Fernanda Wanderley : Economie solidaire et communautaire : progrès et défis en Bolivie

Jean Rénol Elie : Economie sociale en milieu rural haïtien : ancrages, parachutages, hésitations et responsabilités

Afrique

Deogratias Niyonkuru : La construction d’un mouvement d’économie sociale et solidaire au Burundi

Abdou Salam Fall et Cheikhou Oumar Faye : Koom buy Lëkkale : l’économie sénégalaise « qui met en lien »

Touhami Abdelkhalek : Economie sociale et solidaire au Maroc : un état des lieux

Asie

Ananya Mukherjee-Reed : Kudumbashree : une initiative d’économie sociale en faveur des femmes du Kerala

Xiaomin Yu : L’entreprise sociale en Chine : ressorts, développements et cadre juridique


Lien : https://entreleslignesentrel..
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