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Critique de colimasson


Sur les conseils d'Emerson, Henry David Thoreau commence à tenir son journal dès l'âge de 20 ans, suivant la mode transcendantaliste. Ainsi, les faits et anecdotes du quotidien sont écartés de l'activité du diariste au profit des mouvements de l'esprit, de ses entraînements et des réflexions, dans l'espace d'une liberté de forme et de fond qui se veut la plus complète possible. D'abord embarrassé de ses trop nombreuses influences et de trop pesants modèles, Thoreau trouve progressivement sa voix, témoignant dans l'intervalle d'une phase de recherche sans doute cruciale pour la constitution de sa pensée à venir. Les années 1939 et 1940 marquent plus nettement l'affirmation d'une personnalité originale, les citations et les exercices de style sous influence se faisant moins rares ou plus subtils.


Les thématiques qui seront le propre de l'âge de maturité de Thoreau se retrouvent déjà dans son journal. La pensée de la Grèce antique qui sait se montrer enfantine dans l'expression de ses idées mais qui condense déjà les pensées les plus fondamentales de l'humanité, témoignant de l'importance de la répétition cyclique et de l'identité du même, de génération en génération, infuse ses pages. C'est un lien cosmique qui unit les hommes par le biais de la nature, toujours identique, et de la littérature.


« Les Grecs étaient austères, mais c'étaient de simples enfants dans leur littérature. Nous n'avons en rien évolué, malgré les quelques générations qui nous séparent d'eux. Cet étonnement, cet émerveillement universel devant ces vieillards, c'est un peu comme si un adulte découvrait que les aspirations de sa jeunesse s'approchaient plus de la vie divine que la sagesse satisfaite de sa maturité. »


La Nature se présente, plus savante encore que le texte, aux alphabètes du vivant qui savent déchiffrer ses messages.


« Cette feuille blanche de neige qui recouvre la glace de l'étang n'est pas vierge parce qu'elle n'est pas écrite, mais parce qu'elle n'est pas lue. Toutes les couleurs sont en blanc. Elle constitue une nourriture aussi simple pour mes sens que l'herbe et le ciel. Il n'y a rien de fantastique en eux. Leur beauté simple a suffi aux hommes depuis la nuit des temps. Ils n'ont jamais critiqué le ciel bleu et l'herbe verte. »


Henry David Thoreau, comme les grecs, s'émerveille de la répétition de chaque jour. L'aube surgit dans le ciel comme une envoyée miraculeuse qui ne prodigue ses vérités qu'à celui qui aura eu le courage d'affronter la fatigue et la solitude. Déjà à la recherche de la Vérité, Thoreau démontre son amour d'une vie exigeante. Sa recherche implique l'élimination de toutes les scories du jugement instinctifs et des stéréotypes. Il sait cependant rester disponible à la bienveillance, proche dans l'expression d'une simplicité originelle. L'homme n'est plus un rebut brûlant de la nature mais il se fond en elle. Ainsi rêvait-il son prochain : « J'aimerais rencontrer l'homme dans les bois –je voudrais pouvoir le rencontrer comme le caribou et l'élan ».


De plus en plus affirmé au fil de ses écritures diaristes, Thoreau semble nous avoir laissé dans ses journaux les passages les plus essentiels pour la constitution de son oeuvre future. On les retrouve ici perdus en fragments, échevelés, mais déjà denses et musicaux, comme devait l'être la pensée de ses antiques influences.
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