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Critique de LaGeekosophe


Amatka avait beaucoup éveillé ma curiosité. J'aime la dystopie, je suis toujours curieuse de lire de la weird fiction. L'oeuvre de Karin Tidbeck avait donc de quoi attirer mon attention. Un monde étrange, glacial et mouvant, et une société limitée. Qu'en ai-je pensé ?

Amatka se situe dans ce qui semble être un futur étrange. Sommes-nous après une catastrophe, dans une humanité qui se reconstruit en quelques colonies éparses ? Dans l'espace, alors que des planètes étranges commencent à être conquises ? La localisation peu précise nous plonge dans ce monde hors du réal. Les citoyens vivent sous un régime qui leur impose un rythme de vie millimétré. La routine est très présente : se lever, travailler dans un domaine qui relève de ses compétences, marquer les objets… le tout sous la houlette du mystérieux comité, qui régente mystérieusement la vie des résidents.

On se rend compte petit à petit des contraintes du monde dans lequel on est. du point de vue de Vanja, elle commence par partir en mission à Amatka et ne se pose que peu de questions sur le monde qui l'entoure. Même si sa mission n'a pas vraiment de sens, mener une étude de marché dans un monde non-capitaliste n'est pas très utile. de notre point de vue, il y a pas mal de choses contraignantes dans cette société. D'abord, elle partage sa maison avec d'autres personnes qui ne l'ont pas choisi. Elle est par ailleurs surprise de voir qu'elle a un espace pour elle-seule. Les enfants vivent dans dans une autre maison. Tout geste affectif est strictement déconseillé, au risque d'être houspillé. C'est donc un monde très froid, littéralement comme dans les relations humaines.

Karin Tidbeck rythme son récit grâce à une écriture directe. Les phrases sont courtes, souvent simples. Ce style lapidaire se retrouve dans les rapports qu'écrit Vanja, qui sont comme mécaniques. L'écriture donne l'impression d'une douce imprécision. La lecture est très fluide, mais on a l'impression, du moins avant la fin du récit, que des choses sont éludées. C'était comme si la forme du récit représentait les non-dits mystérieux d'Amatka et de ses différents résidents. Ainsi, des personnages comme Ulla ou Nina ont un ton bien plus chaleureux.

Des néologismes existent, comme pour les jours de la semaine. Undi, Deuxdi… Une simplification du langage d'inspiration orwellienne qui montre une volonté de simplifier la pensée. C'est également un moyen utilisé pour unifier la culture. Fini les anciens noms de Dieu. Les nombres permettent de savoir où on en est dans la semaine sans évoquer des croyances païennes passées. En rendant neutres de nombreuses expressions, on bride toute forme de changement. Ce qui explique par ailleurs la grande méfiance des castes dirigeantes envers la poésie et la liberté de parole.

Par ailleurs, les habitants montrent une peur du changement très déstabilisante. Petit à petit, on constate avec Vanja d'autres étrangetés. Une centaine de résidents seraient morts dans un incendie. Des gens font part d'hallucinations dans des champignonnières. le Comité réclame soudainement du papier à la bibliothèque, ce qui contraint le bibliothécaire à se débarrasser de certaines archives. Amatka semble couver de nombreux secrets sous ses dehors de calme colonie glacée. Plus Vanja s'enfonce dans son enquête, plus les personnes la préviennent de manière sibylline qu'elle court des risques. Paranoïa ? Réalité ?

D'autant plus que dans cet univers, la pouvoir discursif a quelque chose de très littéral. Les objets sont marqués régulièrement pour éviter qu'ils ne se transforment en bouillasse informe. En tant que lectrice, je me suis très tôt poser la question de savoir si, du coup, « mal » nommé un objet avait un impact sur sa forme. Une théorie complètement validée par le fait que les personnes considérées comme dangereuses subissent une opération qui les empêche de prendre la parole. On comprend donc qu'ici, la parole a un rôle pour modifier directement la réalité. Elle devient même une arme de rébellion dans un système social normatif et contraignant se fondant sur le contrôle des individus.

Court mais efficace, Amatka nous met face à un propos pertinent dans une forme remarquable. L'autrice choisit un monde glacé pour nous montrer une société obsédée par le contrôle. Routine, droit, travail… Tout est dirigé par le mystérieux Comité, qui apprécie particulièrement la paperasse absurde. Vanja, contre-héroïne perdue, découvre petit à petit les étrangeté de la colonie. Disparitions mystérieuses, secrets, silence… Elle enquête petit à petit sur un monde dans lequel le langage est un pouvoir au sens premier et étroitement surveillé. le tout dans un style à la serpe qui sied parfaitement à l'ambiance mécanique du récit.
Lien : https://lageekosophe.com/202..
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