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Critique de Rodin_Marcel


Le Bras Hervé et Todd Emmanuel – "Le mystère français" – Seuil, 2013 (ISBN 978-2-7578-5540-9)

La quatrième de couverture le proclame d'emblée : nos deux auteurs se vantent d'avoir trouvé rien moins que la clé de ce qu'ils nomment eux-mêmes, dès le titre, un "mystère" (on n'est jamais si bien servi que par soi-même). Ils vont infliger au monde politique une révélation fracassante, découverte dans leur tour d'ivoire à grand renfort de manipulations de cartographies statistiques : seraient-ils journalistes qu'ils utiliseraient le verbe "décrypter" surpeuplant les colonnes du quotidien "Le Monde", mais est-il encore utile de préciser que nos deux lascars émargent bien entendu au budget de la "recherche en sciences humaines" financée par le contribuable ?
Bref, le lecteur n'a plus qu'à bien se tenir, il va assister à une Révélation à côté de laquelle le lapin sortant du chapeau n'est plus que de la gnognote.

Dès l'introduction, nous avons droit à un florilège d'approximations, d'inexactitudes, de sottises abyssales campées comme de solides vérités. Évidemment, venant d'universitaires nombrilistes, le "moteur du mouvement" ne saurait être qu'eux-mêmes, artisans du "décollage éducatif" (p. 10).
Pour ne prendre qu'un exemple, voici que (p. 11) "l'arrivée, année après année, de générations nouvelles obtenant le bac général à un taux stable de 35% continue de faire monter le niveau éducatif moyen" : il suffit de comparer les lettres écrites par nos grands-parents titulaires du certificat d'étude entre 1920 et 1950, avec les dissertations torchonnées par des étudiants de première année universitaire pour comprendre que ce n'est vraiment pas aussi simple !
Fi de tels "détails", nos auteurs enfoncent encore le clou dans les pages suivantes (tout particulièrement en p. 13), qui voit apparaître rien moins que la catégorie des "éduqués supérieurs" (p. 13) !!!
Et cette toute belle éducation élargirait "la masse prodigieuse des citoyens capables d'une activité culturelle autonome" (p. 14) : il est permis d'éprouver quelques doutes en observant la standardisation culturelle catastrophique de cette strate mondialisée se vautrant dans les médiocrités (principalement états-unisiennes) encensées par les magazines comme "Télérama" ou le "Nouvel Obs" avec version madame du genre "Elle" et média transformés en bastions comme "Arte" et "France Culture".

Ce ne sont là que minces hors d'oeuvre, la base de la démarche apparaît dès la page 14 : nos auteurs vont nous expliquer les raisons du "glissement du corps électoral de la gauche vers la droite". Nous voici revenus barboter dans ce qui constitue la croyance fondamentale structurant les bouillies servies à longueur de colonnes dans un quotidien comme "Le Monde", à savoir la "gauche" contre la "droite".
Ce postulat ainsi posé dès l'introduction évite au moins au lecteur les frissons qu'auraient pu provoquer un "mystère", un vrai, nous voilà bien dans les eaux fétides bien connues et labourées par cette catégorie de "penseurs". Ce "glissement à droite" sera d'ailleurs le coeur, si ce n'est l'apothéose, de la fin de l'ouvrage (grosso modo à partir de la page 94).

Concernant ce qu'il est convenu de nommer "les femmes" ou "la liberté des femmes" ou encore "l'émancipation des femmes", aucun postulats habituels de la plus basse flagornerie ne nous sont épargnés, et ce dès la page 16. Plus loin, elles auront droit à leur chapitre traditionnel (pp. 101-121) les encensant, cette fois en usant et abusant du constat selon lequel elles seraient plus qualifiées puisque titulaires de prestigieux diplômes... ne leur assurant le plus souvent aucun débouché professionnel garantissant un niveau salarial "égal" à celui des hommes : mince alors, que nous voilà surpri(-se)s !!!
Les auteurs devraient lire "Soumission" de Houellebecq, cela les éclaireraient peut-être sur ces filières ne menant à rien professionnellement, dont l'université Paris-3 (public féminin à plus de 70%) s'est fait une spécialité. Là encore, nos auteurs dissimulent les véritables questions.

Comme il fallait s'y attendre, cette brillantissime introduction se termine par une ode à "la culture urbaine", à l'urbanisation, mais attention, elle serait perméable à la vieille culture rurale, et c'est ce que nos auteurs entreprennent de démontrer à grand renfort de manipulations cartographiques (explicitées pp. 26-35, avec toutefois un sommet d'embrouilles qui vaut le détour en page 64).

Le chapitre premier semble définir une méthodologie, consistant à fouiller ce qui nous est présenté (sans justification) comme des fondamentaux.
A commencer par l'opposition entre "famille nucléaire" et "famille complexe". Zut alors, que faire des "familles monoparentales" ? la question est vite évacuée p. 40, nos auteurs ne vont tout de même pas s'embêter avec de tels "détails", ah mais !
Suivent quelques cartes simplistes, et la liquidation (pp. 49-54) de toutes les exceptions gênantes (j'en profite pour prévenir le lecteur alsacien : il subira tout au long de l'ouvrage les habituelles âneries franchouillardes sur sa germanité, sauf lorsqu'il se fait purement et simplement exclure d'une démonstration, comme dans les pages 66 et 88, ouste, dehors le vilain), démarche qui sera d'ailleurs constamment appliquée tout au long de l'ouvrage à toutes celles et ceux qui auront le malheur de faire exception aux vérités proclamés par nos deux lascars.
Bref, qu'on se le dise "la famille complexe encadrait, la famille nucléaire libérait" (p. 62), ça c'est de la science !

Viennent ensuite les pages consacrées (hi, hi, hi, je n'y résiste pas) au phénomène religieux. En ce domaine, nos deux imposteurs étalent sans vergogne aucune une telle ignorance des phénomènes religieux que ça en est vraiment ahurissant (je tiens à préciser que je ne suis moi-même aucunement pratiquant de quelques religion que ce soit, je tiens juste à ce que l'on respecte les données historiques complexes) !
Le tout atteint des sommets d'autosuffisance dans les pages 73-74, dans lesquelles le lecteur assiste à la naissance du merveilleux concept scientifique en diable (c'est trop tentant !) de "catholicisme-zombie", qui nous sera ensuite asséné à plusieurs reprises.
Parvenu tout en haut de cet Everest de cogitations, le lecteur ne peut que penser au théorème d'Audiard, "les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît".

Encore quelques autres perles, ne boudons pas notre plaisir !
Alors que nos auteurs ressassent l'importance du parcours scolaire à longueur de pages, ils ne lâchent pas un traître mot sur l'une des pires réformes infligée au système éducatif français, engendrée par un Chevènement populiste, visant à assurer "le bac pour toutes et tous" en conférant ce titre universitaire et académique à des élèves dont on tue ainsi irrémédiablement l'avenir professionnel (cf par ex pp. 81-86).
Quant à l'Apparition du Front National (p. 279), telle que présentée par nos deux lascars, elle relève d'un phénomène proche de l'Immaculée Conception (vraiment, j'exagère !), qui bien entendu ne doit absolument rien au fourbe machiavélisme vicieux d'un certain François Mitterrand.
Et c'est bien dommage qu'ils ne nous en apprennent pas plus sur "un étrange néomarxisme de droite" qui "domine la pensée contemporaine" (p. 148) de la part de gens si fiers d'éviter "tout dogmatisme" (pp. 147, 149), on aurait bien ri !!!

Gardons espoir : en mars 2017, l'écrasante majorité de la caste politico-médiatico-judiciaire a systématiquement court-circuité toute la campagne électorale présidentielle en focalisant l'intérêt sur le travail plus ou moins hypothétique de l'épouse de l'un des candidats, la pôvre Pénélope. Il est donc permis d'espérer qu'un jour ou l'autre, une commission Théodule se penchera sur l'effectivité du "travail" fourni par une large frange de ces universitaires et chercheurs en sciences dites humaines mobilisant des fonds publics (à commencer justement par leurs salaires) pour "démontrer" leurs propres chimères et "justifier" leurs options idéologiques, toutes choses qui ne devraient relever que de la sphère strictement privée.

En attendant ce jour béni, mieux vaut en rire qu'en pleurer !
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