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Critique de Arakasi


Aaaah, « Guerre et paix » ! L'un des grands échecs de mon adolescence. J'étais motivée, j'y croyais à mort, j'avais même acheté les deux tomes d'un seul coup… J'avais terminé les neuf dixièmes du roman quand celui-ci m'est tombé des mains. Ce n'était pas chiant, ni mal écrit, au contraire, mais les personnages m'agaçaient monstrueusement ! J'avais envie de tous les baffer ou de les secouer comme des pruniers jusqu'à que leurs dents s'entrechoquent, particulièrement cet arrogant cul serré de Prince André et cet ahuri de Pierre. C'est, je crois, le seul bouquin que j'ai abandonné parce qu'il m'énervait trop.

Mais je n'aime pas rester sur une défaite et, alléchée par des critiques lues récemment, je me suis décidée à tenter de nouveau l'aventure. Quinze ans plus tard et un peu de plomb dans la cervelle en plus, je porte un regard plus indulgent et presque affectueux sur le bon gros Pierre. Certes, le bonhomme, constamment englué dans l'indécision et l'hésitation, peut taper sur les nerfs mais il est si dépourvu de toute vanité ou malveillance, si franc et si ouvert, qu'il force la sympathie. On apprécie Pierre comme on apprécierait un bon gros cousin, affable et toujours à l'écoute malgré ses défauts. Quant à Natacha – charmante, insouciante, fantasque Natacha ! – ce n'est qu'une enfant que les autres ont la sottise de traiter en adulte. Il ne faut pas lui en vouloir si elle n'est pas à la hauteur de leurs attentes, si elle commet des erreurs, des bêtises. Les enfants sont ainsi et on ne peut rien y faire. André, c'est une autre affaire… Je persiste et je signe, ce type est un connard arrogant, toujours à toiser son entourage du haut de sa vertu outragé, donneur de leçon insupportable et qui mérite à mes yeux ses propres malheurs. Agaçants, déraisonnables, têtes à vent, tous trois en sont d'autant plus humains et leur caractérisation est impeccable.

Agaçants et humains, les personnages qui gravitent autour d'eux. Agaçant et humain, le monde qui les entoure, un monde sur le déclin que la tempête napoléonienne menace de ravager. Ce monde-là c'est celui de l'aristocratie russe du début du XIXe siècle dont Tolstoï excelle à raconter les tares, les hésitations et les vanités. Pour ceux que la comédie de moeurs lasserait d'avance, rassurez-vous ! Si la plume de Tolstoï est vive et habile quand il s'agit d'épingler ses compatriotes, elle n'est pas moins brillante pour décrire des scènes de la vie militaire, batailles épiques et affrontements dantesques compris. Pour qui s'intéresse un tant soit peu aux guerres napoléoniennes, la lecture de « Guerre et paix » est incontournable : rarement la démence belliciste aura été peinte avec autant de panache et de sens de la tragédie !

Pourquoi seulement un petit quatre étoiles sur cinq alors ? Eh bien, parce que, avec tout le respect considérable que je lui dois, je n'adhère pas complétement aux thèses historiques de Tolstoï, ni à sa ferveur patriotarde un peu trop poussée à mon goût. Cette ferveur patriotarde pousse Tolstoï à reprendre en partie la propagande de son pays, notamment en attribuant aux français l'incendie de Moscou et en présentant la bataille de Borodino comme une victoire russe. Loin de moi l'envie d'attirer sur ma tête les foudres des fans du roman, mais quand une armée perd davantage d'hommes que son adversaire et lui abandonne le terrain, c'est une défaite – bien que l'on puisse parler plutôt de massacre pour les deux camps dans ce cas précis. Quant à la vision de l'Histoire de Tolstoï, elle est trop entachée de déterminisme chrétien pour convaincre l'athée que je suis et me rappelle celle de Victor Hugo – qui ne m'avait guère convaincue non plus.

Qu'on ne m'accuse pas de cracher dans la soupe : malgré ces quelques bémols très personnels, je ne dénie pas à « Guerre et paix » le titre de chef d'oeuvre. On peut apprécier énormément une oeuvre sans adhérer sur tous les points aux opinions de l'auteur et j'ai sacrément pris mon pied en lisant celle-ci ! Un livre grandiose assurément et dont je ne regrette pas la lecture. Prochaine étape : « Anna Karénine » ! (mais pas tout de suite, car il est très ventripotent également et j'ai besoin de souffler un peu)
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