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Critique de germ1tor


'ai toujours repoussé la lecture du chef d'oeuvre de Tolstoï. La peur de m'y perdre sans doute, de ne pas être à la hauteur sûrement.
Je suis heureux d'avoir surmonté mes craintes: la lecture est aisée et la force de ces pages est ma récompense.
C'est une de mes lectures qui fait date et me marque profondément.

Bien que Tolstoï s'en défende, il s'agit d'une fresque romanesque autour de trois hommes de la haute aristocratie de la Russie tsariste: Pierre Bézoukhov, Andreï Bolkonsky et Nicolas Rostov. Cette fresque a pour cadre des faits et personnages historiques réels, la campagne de Napoléon en Russie (1805 et 1812).
On retrouve cette dualité roman-roman historique tout au long du récit. Quand il s'agit d'évoquer la nature humaine à travers le caractère, le comportement, la logique et les actions de chacun des protagonistes, suit immanquablement une réflexion politique sur l'histoire, sur les faits historiques et leurs causes inconnues, multiples et non quantifiables.

On est transporté à Moscou, Saint Pétersbourg dans les salons et réceptions de la haute aristocratie, dans leurs domaines de campagne, pour suivre les destins amoureux, les destins militaires, les choix de vie qui s'imposent à Pierre Bézoukhov, Andreï Bolkonsky et Nicolas Rostov.
Ce qui vaut pour les personnages de fiction vaut pour les personnages historiques: Kotouzov, Napoléon…On n'échappe pas à son destin.
Les actions, les volontés et comportements de chacun n'entravent en rien la marche du destin: c'est une constante du récit. Les exemples sont multiples: l'engrenage d'Austerlitz, la fatalité du duel entre Pierre et Dolokhov, la fatalité encore dans la concordance des causes de la guerre de 1812 et de la déroute française qui suivit.

Autre constante du récit est l'analyse des facettes, bonnes ou mauvaises, de la nature humaine: l'intelligence, la faiblesse et crédulité de Pierre; la naïveté et l'innocence de Natacha, la cupidité et la bassesse du clan Kouraguine; la quête d'absolu d'André; l'abnégation de Marie; la droiture de Nicolas Rostov.

Les tourments existentiels de Pierre et son parcours sont l'occasion pour Tolstoï de nous présenter le sens de la vie comme la recherche de Dieu en toute chose, en tout homme.

Avec le sens de la vie, le sens de la guerre (à travers la campagne de 1812) nous est expliqué et surtout démythifié.
Expliqué ou plutôt nié: la guerre n'a aucun sens que ce soit pour les hommes du peuple ou leurs dirigeants, si ce n'est pour leur propre intérêt personnel. Seule la défense de la patrie fait sens.
Démythifié: il n'y a pas de génie, ni de héros. Les conditions et circonstances de la guerre sont multiples, infinitésimales et inconnues. Comme en algèbre, un système à trop d'inconnues ne peut être résolu ou avoir une solution unique.
Contrairement à ce qui nous est rapporté par les historiens, il n'y a pas par conséquent de science de la guerre ni de génie militaire.
Les individus sont les instruments inconscients de l'histoire, le hasard et le moral des troupes étant les facteurs déterminants.
Voilà ce que nous expose TolstoÏ. “Tout s'est produit fortuitement” -La déroute de la Moskova.

Enfin, le sens et le goût du sacrifice font-ils partie de l'âme russe? Les exemples sont nombreux aussi bien collectivement (Moscou incendié, Bataille de Borodino…) qu'individuellement. Tous les personnages principaux (Pierre, André, Nicolas, Natacha, Sonia et Marie) , à un moment donné de leur vie, de leur parcours, embrassent le sacrifice mais restent fiers.

J'ai trouvé étranges les deux épilogues distincts, venant conclure les deux thématiques principales et imbriquées (fresque romanesque et fresque historique): l'harmonie de la vie en famille et la politique ou la façon d'appréhender l'histoire.
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