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Critique de Erik35


Erik35
25 septembre 2017
QUAND CA VEUT PAS, CA VEUT PAS...

Avril 1194. Tandis que l'ancien compagnon d'arme de Philippe-Auguste, le célèbre Richard Coeur de Lion, fils chéri d'Aliénor d'Aquitaine et avec lequel notre roi entretien des relations pour le moins houleuses depuis leur retour des croisades, s'est emparé de quinze années d'archives royales au cours d'un véritable guet-apens, c'est L Histoire avec un grand H qui est en marche sous nos yeux (pour mémoire, c'est à la suite de ce guet-apens dit de Fréteval que sera créé le trésor des Chartes ainsi que le poste de "Garde des Sceaux") . Mais si notre Roy des Ribauds, qui a abandonné momentanément ses deux fidèles compagnons, Aimeri et Saïf, le maure, ainsi que sa seule fille, Sybille, peut s'enorgueillir d'être intervenu juste à temps pour permettre à son maître couronné de se sortir de ce bien mauvais pas, le Triste Sire connait lui aussi les affres de la trahison et des retournements de fortune. La petite histoire s'imbrique ainsi dans la grande, celle que nos mémoires et les écrits d'époque retiendra. Fort heureusement, Vincent Brugea et Ronan Touhlouat sont là pour restituer, et avec quel talent, cette ambiance puissante, sombre, souvent violente et sanglante.

Cette fois, donc, ce Roi des enfers parisiens tremble sur son piédestal. Profitant de la disparition du plus terrible des chefs de bande, Glaber le Boucher, les anciens alliés du Triste Sire ont (presque) tous fini par le trahir, mettant leurs pas à la suite du mielleux et hypocrite Ascelin qui n'attendait qu'un prétexte pour tenter de devenir Roy à la place du Roy. Il est aidé en cela par une femme - que l'on découvre dans l'épisode précédent - entièrement dévouée à Aliénor d'Aquitaine et à Richard. C'est par elle qu'Ascelin va se retrouver accompagné d'un certain le Rouennais, chef de l'une de ces nombreuses compagnies de mercenaires de l'époque, hommes brutaux et de peu de foi, lequel, par sa force et par ses soutiens, va être en passe d'ôter tout pouvoir au Triste Sire.
L'intrigue de ce captivant thriller médiéval - qui n'est pas un seul instant moins impressionnant que le premier volume - va se trouver entre-maillée d'une vieille histoire familiale féroce mêlant la fille du Roy de Ribaud et sa fille à son grand-père, qui règne sur les bas-fonds de ces bas-fonds, à savoir la légendaire "cour des miracles", qui est le refuge de tous les déclassés, mal formés, nains, ingambes, gueules cassées mais aussi des gitans, manouches et autres romanichels de ces temps impitoyables. Et ce grand-père, le Grand Coëste, en est le Roi tout-puissant ! Coëste subit le sort de tous ses prédécesseurs : il est devenu totalement imprévisible et paranoïaque à force de voir des ennemis partout. En effet, l'un des moyens admis à la Cour des miracles pour en devenir le maître est d'en assassiner celui en cours. Ça n'aide évidemment pas à la tranquillité d'esprit ! Malgré tout, ce Roi des abysses accepte de venir en aide au Triste Sire, ou, plus exactement, à sa petite-fille et à Saïf, le maure, qu'il apprécie. Mais la montre joue contre eux tous, ne serait-ce qu'en raison même de la défiance nouvelle de Philippe-Auguste à l'égard de son serviteur pourtant zélé, car le Roi de France sent bien que ce dernier ne lui a pas dit toute la vérité quant à l'affaire du meurtre du marchand de vin espion (voir épisode précédent).

Sur un rythme effréné, les complots s'enchaînent, les meurtres s'accumulent sans qu'on puisse rien y changer : ce monde est fait de violence, de haine, d'intérêts tellement contradictoires qu'il est impossible d'y assurer la moindre diplomatie de long terme. Et, à l'égal de cet embryon de France qui se met lentement en place, malgré les manipulations d'une Aliénor vieillissante mais toujours prête à tout pour mettre ses fils sur un trône, et malgré la fougue opiniâtre d'un Richard, ce Paris de cul de basse-fosse connait le goût du pouvoir, de l'or, du stupre et du meurtre.

Il est régulièrement coutume que le second volet d'une trilogie soit un temps raisonnablement plus calme, lorsque les deux autres sont à la tempête : rien de cela dans cet album. Bien au contraire, celui-ci ne fait que monter en intensité, les portraits des personnages principaux s'affinent peu à peu et c'est par petites touches que l'on en apprend un peu plus sur leurs secrets plus ou moins lourds mais cela ne se fait pas au détriment de l'action qui demeure intense et dans ces clairs-obscurs saisissant de bout en bout. A travers ces hommes sans peur et sans reproche (ils sont au-delà...), c'est aussi le portrait d'une ville souvent terrifiante, mais hypnotique et redoutablement belle, comme la plus charmeuse des gitanes où nous font pénétrer les deux auteurs : Vous ne verrez plus jamais Paris tout à fait de la même manière après avoir lu Roy des Ribauds !
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