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Critique de YvesParis


Historien de la décolonisation, auteur d'une thèse remarquée sur le gaullisme et l'Indochine, Frédéric Turpin publie aux Indes savantes son habilitation à diriger les recherches soutenue en 2007 à Paris IV. Il s'agit d'un travail sérieux, parfois austère, réalisé à partir du dépouillement systématique des archives élyséennes, sur une période charnière : celle qui vit naître, après les indépendances, la politique de coopération franco-africaine.
En huit chapitres denses, Frédéric Turpin montre comment Charles de Gaulle, fidèle aux idées qu'il développait déjà à Brazzaville, puis Georges Pompidou ont perpétué les liens tissés entre la métropole et les anciennes colonies africaines devenues indépendantes. Cette politique, qui entend conserver au lien franco-africain une spécificité irréductible aux autres champs de la politique étrangère, n'allait pas de soi. Frédéric Turpin lit l'histoire de cette période comme celle du combat sans cesse renouvelé entre les défenseurs du maintien de cette spécificité et les tenants de la normalisation. le combat, on le sait, s'est poursuivi bien après 1974. Aujourd'hui encore, même après l'intégration en 1997 des structures de la Coopération à l'administration des Affaires étrangères, la tension demeure entre les Anciens, qui veulent réserver aux anciennes colonies africaines un traitement particulier, et les Modernes qui s'y opposent.
L'étude fouillée de Frédéric Turpin bat en brèche l'image réductrice que, le recul aidant, on s'était forgé de cette période. L'idée commune est que la France, animée par une volonté de puissance, a maintenu son emprise et que l'indépendance n'a en rien altéré le lien ombilical entre la métropole et ses anciennes colonies. La réalité fut plus subtile. Certes, la politique française est guidée par l'obsession de maintenir le « pré carré africain » dans une relation de subordination exclusive : en témoignent les réticences de la France à la constitution d'un ensemble francophone (que nous avions évoquée dans notre recension de la thèse de Marine Lefèvre sur la naissance de la Francophonie) ou à la mise en oeuvre d'une politique européenne d'aide au développement. Mais pour autant, les dirigeants français étaient conscients que le lien de domination coloniale n'était pas durable, jusqu'à De Gaulle lui-même qui, lucide, lance à Foccart en 1966 : « Vous savez, il faudra bien un jour que cela se termine ; ce secrétariat d'Etat à la Coopération, cela ne peut pas durer indéfiniment » (p. 83). le quai d'Orsay, la rue de Rivoli entendent tourner la page et le général De Gaulle, blessé par l'échec de la Communauté française qu'il avait portée, n'est pas loin de leur donner raison. Mais la Coopération est pourtant mise en place malgré son coût budgétaire et ses relents colonialistes.
Jacques Foccart et le Secrétariat général aux affaires malgaches (SGAM) ne sont pas pour peu dans cette décision. Souligner la prééminence de Foccart dans la gestion, au jour le jour, des affaires africaines n'est pas une nouveauté. Montrer le rôle administratif que joue ce secrétariat général, bras armé de la Présidence pour tout ce qui touche à l'Afrique, l'est plus. Et, ce faisant, on met le doigt sur une différence fondamentale entre la situation actuelle et celle qui prévalait jusqu'en 1974, date de l'éviction de Foccart par Valéry Giscard d'Estaing. A l'époque, le « Monsieur Afrique » de l'Elysée était secondé par une équipe d'une centaine d'agents. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, quand bien même on évoque, de façon bien exagérée, le « retour à la case Foccart ». Alors que Jacques Foccart était au coeur du système élyséen, à la tête d'une véritable machine de guerre, les ultimes héritiers du foccartisme, Robert Bourgi en tête, sont des hommes isolés et sans moyens.
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