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Critique de sarah1210


Ma lecture coup de coeur de la semaine
Condamné pour "association de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste" dans les années 1990, aujourd'hui réinséré, se définissant comme républicain, David Vallat est la preuve vivante que la déradicalisation est possible.
Son histoire c'est celle d'un enfant qui n'a pas connu son père et que sa mère a élevé seule avec ses trois frère et soeurs. Une existence marquée par la précarité, la cité et la rencontre d'autres familles, qui comme la sienne s'efforcent de garder la tête hors de l'eau.
Une bouée lui fut envoyée par la vie, et ce fut l'Islam qu'il a embrassé, en réponse à une quête de sens, et peut-être aussi à son désir d'affection. En effet telle une manne céleste, la religion lui offre une famille d'adoption, des copains, leurs pères surtout. Au contact des « Chibanis » (les anciens), la chaine parentale brisée par l'abandon semble reconstituée. L'Histoire aurait pu s'arrêter là, sur ce tableau harmonieux d'une famille unie admirant un ravissant coucher de soleil. Mais pourtant, tels des démons surgis du passé, la colère et le sentiment d'injustice viennent le tourmenter.

Nous sommes dans les années 90 et la guerre civile fait rage en Yougoslavie. Il est impossible à David de rester indifférent face à la souffrance des civils bosniaques livrés sans protection à la soldatesque serbe. Ces malheureux ne sont pas seulement ses frères de foi, mais l'incarnation de sa propre enfance écorchée et exposée aux vents tumultueux de l'existence.
Il n'a que 19 ans lorsqu'il s'engage sous le drapeau du djihad, en quête de combats épiques au service de nobles causes. Ce sera le début d'un enchainement de désillusions qui le mèneront loin des champs de bataille de Bosnie, des plaines arides d'Afghanistan aux cuisines sombres du GIA.
Consumé de l'intérieur par un désir d'idéal, rien ne semblait pouvoir arrêter cette jeune tête brûlée lancée vers le destin funeste qui s'offrait à lui. le salut pourtant est venu de son pays natal, cette République française sur laquelle sa quête est venue mourir tel un boulet dans un sac de farine. Loin de signifier sa chute, son arrestation en France et son séjour en prison seront pour lui le bain de la Théophanie, le départ d'une nouvelle vie sous le signe de la rédemption.
Si je devais résumer le livre en un seul mot, je dirais "paradoxes". A commencer par celui du djihadisme, qui consiste en théorie à combattre un système qui opprime le peuple, mais qui entraine ses membres contre leur gré dans des actes de terrorisme visant des civils.
Celui de son parcours également, marqué par une radicalisation fulgurante qui contraste avec une lente et douloureuse guérison, ponctuée de cauchemars, de nuits sans sommeil, de souvenirs glacés d'une jeunesse sacrifiée sur l'autel d'un idéalisme corrompu. Celui de son témoignage, cendres encore chaudes de son épopée en enfer, qui résonne aux oreilles de candidats au djihad comme un avertissement bien plus poignant que celui des pseudo-experts qui nous inondent de leurs analyses creuses.
Celui enfin de l'auteur lui-même, au passé sulfureux et pourtant au regard si doux, qui s'efforce de semer des paroles de réconciliation dans un désert de méfiance. Sera-t-il entendu ? Et si du djihadisme au civisme, il n'y avait qu'un pas ?
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