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Critique de Nastasia-B


Je ne m'attendais à rien de précis avec ce livre. J'avais même, avouons-le, un a priori plutôt négatif, m'attendant vaguement à un fond à la fois creux et racoleur. Eh bien pas du tout. Une claque à la Nastasia pour avoir pensé cela ou, si je veux rester dans l'esprit de l'ouvrage, trente jours d'abstinence sexuelle non consentie, ça m'apprendra.

De quoi est-il question dans La Vie, L'Amour, le Sexe d'Arthur Vernon ? Au risque de vous surprendre, il y est question de vie, d'amour et de sexe, étonnant non ? Mais c'est abordé d'une façon plutôt insolite, c'est-à-dire, scientifiquement. Qu'entends-je par scientifiquement : biologiquement, physiologiquement, sociologiquement, psychologiquement et philosophiquement.

Le livre se présente sous une forme un peu bâtarde à mi-chemin entre le guide et l'essai. C'est un choix de l'auteur, qu'il prend à son compte, mais que je n'approuve pas particulièrement. Un essai pur et dur, aurait, à mon sens, plus d'impact.

Il y développe une thèse, on pourrait presque baptiser cela de " philosophie ", à tout le moins de philosophie de vie, au même titre que les grands courants philosophiques qui se sont succédés depuis l'Antiquité.

Le premier axe de sa démonstration et qui concerne la vie s'appuie sur plusieurs branches scientifiques pour conclure que la vie n'a aucun sens, aucune finalité autre que celle de vivre et, ce faisant, nous reproduire pour tâcher de se perpétrer le plus longtemps possible.

Il taille aussi un short à la religion en disant clairement et sans détour que c'est au mieux de la connerie et, plus vraisemblablement de la malhonnêteté, du mensonge et de la manipulation car toutes les religions s'appuient sur le postulat d'une vie après la mort, laquelle n'a jamais été ni vue ni perçue par qui que ce soit et donc, fatalement, jamais été prouvée scientifiquement ou de façon falsifiable.

Je reprends : la vie ne sert à rien, n'a aucun sens, il n'y a rien après la mort. Cependant nous souffrons, nous luttons constamment et nous nous illusionnons, notamment sur la notion de bonheur. Il dissèque alors le concept de bonheur et distingue notamment le bonheur objectif et le bonheur ressenti.

Selon lui, le bonheur ressenti est le seul que nous percevons vraiment et n'a qu'un très vague lien avec le bonheur objectif. Nous nous définissons heureux ou malheureux toujours par rapport à notre état de bonheur précédent si bien que ça ne dure jamais. Même au top du top du bonheur accessible, dans quelque temps, notre référentiel étant passé à une valeur très haute, nous aurons le sentiment de nous ennuyer ferme tandis que celui qui part de très bas, même s'il jouit d'une micro parcelle de bonheur, aura la sensation transitoire d'être plus heureux que celui qui a tout. (Je vous la fait courte et j'ai bien conscience d'être peu claire sur ce coup-là.)

Donc, toujours au moyen de la science, Arthur Vernon passe en revue toutes les sources les plus puissantes qui engendrent chez les patients un ressenti extatique incomparable. Verdict : l'orgasme sexuel. Certes le shoot à l'héroïne ou la décharge d'adrénaline d'un sportif de haut niveau sont probablement d'intensité comparable mais ont des effets secondaires détestables qui accentuent a posteriori les souffrances ressenties par les individus dans leur vie.

En somme, selon lui, il n'existe qu'un seul palliatif correct aux souffrances qu'exerce mécaniquement la vie sur nous, le plaisir sexuel : accessible au plus grand nombre, simple, naturel, renouvelable, potentiellement gratuit et étant le seul à avoir des effets positifs avérés sur le restant de notre santé.

Or, ce Graal individuel et sociétal nous a été confisqué d'une part par les interdits religieux qui, pour l'essentiel, condamnent le plaisir sexuel, mais également par des illusions socialement véhiculées, qui ne reposent sur rien de scientifique, au contraire, car la science dit le contraire.

Par exemple : la société valorise l'amour passion éternel avec un seul partenaire qui serait notre moitié parfaitement complémentaire pour le restant de nos jours. Or, personne ne vit cette situation et, plus grave encore, on fait culpabiliser ceux qui au bout de quelques années échouent dans ce schéma.

Pourtant, les séparations, l'amour qui s'éteint (pas l'attachement, c'est différent) au bout de quelques mois ou quelques années, les relations adultérines, tout ça n'est rien que de très normal au vu de nos taux hormonaux de lulibérine et d'ocytocine.

Je n'entre pas dans le détail sur les effets respectifs de l'ocytocine et de la lulibérine (que je connaissais personnellement sous le nom de GnRH mais l'auteur utilise uniquement le terme de lulibérine qui en est une autre dénomination) mais il nous invite à simplement nous renseigner sur la physiologie de notre corps, notamment sur les effets connus et documentés des hormones et leurs conséquences sur nos comportements.

Voilà pourquoi, selon lui, on a tort de se priver de cette source de bien-être inégalée et inégalable, tout simplement parce que nous sommes biologiquement programmés pour nous conduire de façon différente de la façon dont la société nous prescrit de nous conduire. On en considère même comme déviants des comportements absolument normaux.

Il fustige donc le carcan social, notamment pour nous les femmes, qui fait qu'une femme normalement constituée et qui cherche à optimiser son apport en plaisir sexuel est systématiquement qualifiée de salope. Ce comportement étant socialement relié à une faiblesse des valeurs, à une personne vile et peu fiable donc, peu recommandable, comme si se sentir bien et être heureuse était de facto peu recommandable.

Arthur Vernon propose donc une série de changements dans la perception sociale de l'acte sexuel et du plaisir qui y est associé, une modification profonde des règles du mariage et une prise de distance (pour ne pas dire un abandon pur et simple) vis-à-vis des religions. (ATTENTION Arthur Vernon, peut-être allez-vous bientôt faire l'objet d'un contrat de la part des djihadistes et autres ultra-fanatiques religieux ?)

Ne souhaitant pas m'étendre démesurément sur cet avis déjà bien long, je conclus en disant que, étant biologiste de formation, athée de conviction, je partage bon nombre des vues de cet auteur et les trouve on ne peut plus logiques et découlant du bon sens. Il en ira tout autrement si vous avez des convictions religieuses fortes. J'ai passé sous silence toute la partie sur l'orgueil qui est pourtant un moment fort de sa démonstration.

Il demeure quelques points faibles à l'ouvrage, notamment le fait que l'auteur serait nettement plus convainquant en citant des références scientifiques. Il écrit souvent « la science dit que » et j'avais toujours envie de lui dire : Quelle science ? Qui ? Dans quel article ? C'est ce qui constitue à mes yeux le principal défaut dans l'argumentation, alors même que cette bibliographie existe. Ceci est dû à la forme bâtarde dont j'ai parlé au départ.

Il y a aussi des manques dans l'argumentation, notamment sur l'impact de l'attachement (et donc sur le traumatisme du détachement au moment de la rupture) qui me semble un fort inhibiteur du désir d'aller voir ailleurs. Enfin, l'impact historique des MST sur la formation du concept social " le sexe, c'est mal " me semble également sous estimé.

Il n'empêche que je conseille très volontiers ce livre, ne serait-ce que pour le débat qu'il peut susciter et en remercie donc très chaleureusement les éditions Tabou et Babelio qui m'ont permis de le découvrir dans le cadre de Masse Critique.

Ceci dit, ce n'est là qu'un avis, pas forcément très bandant, c'est-à-dire pas grand-chose.
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