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Critique de elisecorbani


Écrivain autrichien né en 1966 à St Petersbourg, Vladimir Vertlib est encore peu connu en France, mais ses oeuvres, publiées en allemand, sont présentées par les éditions Métaillié depuis quelques années. Je remercie cet éditeur et Babelio de m'avoir permis de le découvrir grâce à une opération de Masse Critique.

J'ai donc pu lire en avant première ce dernier opus de l'auteur, "Zèbre dans la guerre", roman caustique et dérangeant, dérangeant car il nous plonge dans une situation étrangement familière, et totalement taboue, celle de l'irruption de la guerre dans le quotidien d'une famille qui nous est contemporaine. Familière car ce texte publié en février 2022 évoque une "opération de police élargie" menée par un gouvernement contre des rebelles aussi brutaux qu'ils sont hétéroclites, et se déroule dans une ville cosmopolite et portuaire qui ressemble fort à Odessa...

C'est une donc une écriture du présent en train de se vivre que le lecteur est appelé à partager, et c'est une expérience assez troublante. Vladimir Vertlib construit l'équilibre de son roman entre violence et farce, autour de son héros (ou anti héros), Paul, ingénieur entre deux âges, père de famille sans trop de substance. Ce héros incarne la banalité du citoyen moderne, aux valeurs démocratiques convenues, plus enclin à discourir sur les réseaux sociaux avec des inconnus qu'à créer du lien avec ses voisins. Paul est pourtant un brave type qui aime sa fille adolescente, agace sa femme, et subit sa mère au quotidien.

Mais le jour où les rebelles prennent le pouvoir dans la grande cité cosmopolite, il va devenir une célébrité malgré lui... Un zèbre dans la guerre, décalé et perdu, à l'instar de ce quadrupède échappé du jardin zoologique par la force des combats, qui erre dans les rues de la ville occupée.
Chronique de la guerre dans l'intimité d'une famille, chronique de la médiocrité des comportements individuels quand se jouent les drames collectifs, le roman cherche à déranger le lecteur en instillant la satire dans le drame, la violence dans la banalité.

Si Vertlib écrit au présent une guerre qui se déroule, son écriture s'enracine dans le passé. Passé incarné dans le roman par le vieux couple de voisins juifs du héros. Persuadés que le temps de la persécution est de retour pour leur peuple, c'est eux qui ramènent Paul, par leur témoignage et bien malgré lui, dans le camp de la fraternité.
On retrouve ainsi au coeur du roman la douloureuse mémoire des juifs d'union soviétique, histoire familiale de l'auteur dont les parents ont quitté l'URSS dans les années 70 pour s'installer en Israël. Un zèbre dans la guerre retentit des échos des nouvelles d'Isaac Babel, de la lumière dorée des ruelles d'Odessa et de ses bandits cosmopolites. Ruelles où les juifs, martyrisés par l'histoire, ont été remplacés par toute une population bigarrée qui ne suscite pas moins de haine et de méfiance.
Que reste t'il des juifs qui ont peuplé l'Ukraine si massivement, mais aussi la Russie ? Vladimir Vertlib offre à cette mémoire l'espace de son écriture.
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