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Critique de Tempsdelecture


.Vladimir Vertlib est autrichien d'adoption, et russe d'origine : ce sont ces mêmes origines qui à l'évidence l'inspirent à chaque roman, celui-ci ne faisant pas exception. Ce roman-là a été écrit avant l'attaque de 2022 de l'Ukraine par la Russie . L'auteur parle beaucoup d'exil dans ses oeuvres précédentes, notamment dans celles qui n'ont pas été traduites en français, de la migration depuis l'ex-URSS vers l'Europe de l'Ouest et Israël. Ici, il parle de guerre, de ces pays et villes, c'est le cas ici, qui subissent un coup d'état, qui sont occupés du jour au lendemain par une armée étrangère,ou une milice, un groupe de dissidents, de séditieux qui veulent imposer leurs règles.


Cette ville est sans nom. C'est pour cela qu'elle m'a fait penser à Épépé de l'auteur hongrois, Ferenc Karinthy. Tout juste sait-on qu'elle se trouve à l'est de l'Europe et que les noms ont des consonances slaves. Vladimir Vertlib parsème son texte d'indices qui nous amène à penser à l'endroit qu'il a en tête, lui l'Autrichien qui trouve ses origines en Russie. Notre anti-héros s'appelle Paul Sarianidis, il est marié avec Flora, médecin, ils ont une fille de doux ans Lena. Ils vivent ensemble avec la mère de Paul, Eva. Deux membres d'une milice viennent frapper chez lui pour l'amener devant un militant. Ce dernier n'est pas n'importe qui, c'est l'homme que Paul a copieusement insulté dans l'un de ses commentaires sur les réseaux sociaux au cours d'une dispute virtuelle avec un internaute tout aussi virtuel. Les choses tournent au ridicule, Paul ressort de cet entretien avec une vidéo de lui qui devient virale, en train de s'uriner dessus de peur alors qu'il est interrogé. Paul a à peine le temps de penser à la façon de réparer son honneur que la guerre civile éclate : les anciens protagonistes proches du pouvoir deviennent indésirables, et la population, qui était loin d'être favorable au renversement de régime, s'accoutume de mieux en mieux à ses nouveaux bourreaux. On se pose la question constamment de savoir de quelle ville il est question, j'ai pensé à Odessa, ou Sébastopol mais Marioupol, également, possède une ouverture sur la mer. Ou un mélange de ces villes et d'autres d'Ukraine. L'essentiel, c'est que sous-tend le récit, une guerre qui n'est pas nommée ainsi, mais désignée par l'acronyme OPE, opération de police élargie (contre les terroristes), comme si cela ne nous rappelait rien, cette fameuse Opération spéciale chère à Poutine.

Paul est un drôle de zèbre : c'est un ingénieur au chômage qui tourne en rond chez lui. Un homme quelconque, ni particulièrement courageux, ni remarquable en quoi que ce soit, il subit tout ce qu'il se passe autour de lui avec ses sursauts de conscience et d'héroïsme. Un être un peu naïf, la tête dans les nuages qui voient les choses à travers un écran de fumée, les orages du début de roman qu'il compare à la foudre de Zeus, lui l'ingénieur en aéronautique, est bien ramené à la réalité par sa fille qui est capable de lui nommer la désignation exacte du chasseur qui a déchiré le ciel, un WS-1B.

Vladimir Vertlib, comme dans epépé, utilise la parodie pour construire un double d'une réalité que l'on connaît déjà, qui nous semble vaguement familière, sans que l'on puisse avec exactitude établir un lien effectif avec des lieux et événements précis. Les méthodes dans les dictatures, et les guerres d'invasion, sont toujours les mêmes. Parodie parce que Vladimir Vertlib a décidé de prendre les choses, avec distance, sous le signe du rire, de la moquerie, de l'autodérision qu'il soit franc ou jaune : malgré la gravité de la situation, qui ressurgit telle quelle ponctuellement à certains points de la narration, quelques passages ont provoqué quelques francs éclats de rire. Et ça faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé dans une lecture. L'auteur autrichien s'épanche notamment sur les excès et mauvaises utilisations des réseaux sociaux dans lesquels son personnage Paul est tombé les deux pieds dedans, dans lesquels nous sommes d'ailleurs peut-être tous tombés ( Qui n'a pas été énervé par un commentaire d'une personne lambda sur Facebook ou autres réseaux sociaux ? ) Et c'est décrit avec tellement de justesse que ça en devient hilarant, même si Paul ne le vit pas de cette façon, ce que l'on peut comprendre dès lors que l'on se met à sa place.

Ce roman décrit une société de l'instantanéité, des réactions, des informations, des opinions, qui se retournent aussi vite qu'une doudoune réversible, où les réseaux sociaux sont devenus les catalyseurs de cette temporalité accélérée, où les coups d'Etat se succèdent, les informations s'enchaînent tout comme la virulence des réactions, où personne ne prend plus le temps de rien. Paul est au beau milieu de tout ce cyclone, où tout vole dans tous les sens, il traverse les événements comme il peut, avec leur non-sens, leur absurdité. Un drôle de zèbre qui ne fait que passer.
Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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