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Critique de Gruizzli


J'ai lu ce livre par total esprit de contradiction, sachant par avance que je serais en désaccord avec l'auteur sur le propos, mais ayant envie de le lire pour élargir le champ de mes lectures et ne pas toujours avoir du conformisme. Lire quelque chose qui va à l'encontre de mes principes, pour pouvoir les réaffirmer si je sens comment répondre à ces questions.

Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'effectivement je suis en désaccord avec l'auteur ! Pas sur tout les sujets, mais sur une bonne partie d'entre eux, en tout cas.

Tout d'abord, je voulais souligner le texte, volontairement travaillé et qui sent l'amour du français et des belles lettres. Les métaphores, les comparaisons, les anaphores et autre allégories pullulent. Alors c'est beau, certes, mais c'est un peu lourd, et ça ne renforce pas réellement le propos. Pas nuisible à proprement parler, cette lecture fut tout de même un tantinet longuette, principalement parce que le propos n'est jamais réduit à l'essentiel mais étiré dans de jolies phrases. Ce n'est ni lourd ni handicapant, juste longuet.

Pour le propos, il faut dire que je suis de gauche assez à gauche, tandis que l'auteur s'ancre dans une droite libérale assez nette. Une droite du début des années 2000, qui pense le libéralisme triomphant, l'Europe comme un rêve à vivre et le pouvoir comme bienveillant. Aussi ne suis-je pas étonné de lire quelques piques envers les médias qui ne peuvent s'empêcher de venir salir la réputation des hommes politiques (jusqu'au "Tous pourris"). Cet exemple m'a marqué, puisqu'à aucun moment la question de la moralité des hommes politiques n'est mises en avant. Si les médias déversent autant de nouvelles sur leurs magouilles, c'est peut-être (et surtout) parce qu'ils en font en permanence, non ?
Bref, le propos est ici très idéaliste. Un pouvoir vertueux, porteur de sens et central dans l'espace politique français, doit revenir exercer l'absolu de sa charge pour le bonheur de tous. Sortez les mouchoirs et que la république vous garde !

Le livre est une bonne entrée dans cette vision de droite, paternaliste et idéalisée, bourrée de préjugée et jamais réellement dans une remise en question. La gauche à failli deux fois (Mitterand et l'URSS), elle est hors de propos, le pouvoir doit être absolu (parce que c'est comme ça !), et bien sur, la liberté des hommes doit prédominer !
Ca manque de Bourdieu, aurais-je envie de dire, mais c'est une réalité : pas d'idée de déterminisme de classe, pas de remise en cause des institutions (l'école au premier rang), pas de réelle prise de conscience de ce qu'est la gauche historique et ses valeurs, pas de représentations d'ouvriers, pas de questionnement sur l'oligarchie ... le propos est limité par les termes même qu'emploi Dominique de Villepin, se limitant à un monde qu'il conçoit et envisage comme unique modèle existant, et dont il est prisonnier. A la lecture du livre, on ne peut qu'être d'accord avec lui dans son système de pensée : comprenez par là que si le monde était bien tel qu'il le décrivait, je serais presque d'accord avec lui !
Hélas, le monde n'est pas ainsi fait. Pas de miracles, nous avons le Covid et le changement climatique, une crise structurelle et une Europe ultra-libérale qui vend les pays pour payer des actionnaires. Pas de pouvoir absolu bienveillant mais des conflits d'intérêts, des lobbys et des scandales qui fatiguent plus qu'ils ne choquent, de par leur nombre et l'impunité dont bénéficient désormais les puissants.

Ce monde qui est décrit ici, je ne peux pas y croire et ne veut pas. Mais je comprends qu'on puisse y adhérer. Il est tellement plus simple et plus facile de critiquer la France qui ne sait plus retrouver sa grandeur (ne parlons pas ici du grand nombre d'erreurs historiques probablement involontaires qui émaillent le récit), alors que la réalité est tout autre. Ce livre à 20 ans, ne l'oublions pas non plus, mais cet âge donne justement du poids à son propos : on y lit presque le plan progressif de l'Europe, entre privatisation et libéralisation, dans un monde où le pouvoir se scinde du peuple définitivement pour trôner au-dessus des nuées, croyant voler. La réalité est bien plus lourde et fait mal lorsqu'on se la prend en pleine gueule.

Bref, je lis ce livre comme un résumé de ce que furent les pensées de la droite libérale du début des années 2000. Une droite encore pétrie de conviction et de principes, tout de même, une droite "qui y croyait", et qui va vite désenchanter sous le Sarkozysme qui ravagera tout cinq ans plus tard. Quelque part, j'ai une tendresse pour ces hommes qui pensaient avoir mieux compris le monde et déploraient qu'on ne laisse pas faire leurs idées. On a eu pire, et on sait désormais que l'avenir ne sera pas entre leurs mains non plus.
En somme, un livre qui donne plus à réfléchir sur les illusions du pouvoir que de réellement donner une ligne de conduite politique. En tout cas, il n'a pas changé la mienne et m'a plutôt convaincu que j'étais dans le bon à être dans un avis opposé.
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