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Critique de 5Arabella


Louise de Vilmorin reste sans doute dans la mémoire collective plus comme une égérie, la fiancée de Saint-Exupéry, la compagne de Malraux, la brillante mondaine qu'un véritable écrivain. Elle a pourtant écrit une poésie qui a eu ses admirateurs, dont Poulenc qui l'a mise en musique, elle a connu des succès de libraire, en particulier cette Madame de , dont Max Ophüls a tiré un film merveilleux, avec une Danielle Darieux resplendissante dans le rôle titre, qui permet probalement au livre de n'être pas oublié.

Le roman, paru en 1951 est fort bref, grâce à une trame resserrée et à une écriture dégraissée, économique sans être sèche, basée sur la formule, souvent à la limite du bon mot qui synthétise l'essentiel avec juste une expression. Rien de délayé ni d'inutile : le lecteur est directement mis en phase avec le coeur de l'intrigue. Ce qui, avec l'ironie toujours présente, évite un sentimentalisme facile, dans un récit qui pourrait être mélodramatique.

Mme de est la “star” des salons chics, la plus élégante, celle qui donne le bon ton, enfin ce qu'il est supposé être. Cela a un prix, et Mme de a des dettes. Qu'elle décide d'éponger en vendant un bijou précieux, des boucles d'oreille-diamants en forme de coeur, offertes par son mari. Elle prétend les avoir perdues son mari est mis au courant de la vente par le bijoutier, affolé par l'annonce du vol supposé dans les journaux. Dans sa vie mondaine, Mme de rencontre un bel ambassadeur, qui lui fait la cour. Elle en tombe amoureuse, semble-t-il pour la première fois. Il veut lui offrir un cadeau, par suite de circonstances invraisemblables mais cruelles, il est en possession des fameuses boucles d'oreille. Il lui en fait cadeau, Elle ne lui dit pas qu'elle en fut la propriétaire, mais prétend pouvoir les présenter à son mari comme le cadeau d'une riche cousine. Elle feint de les avoir retrouvées. le mari n'est évidemment pas dupe, et l'ambassadeur apprend la vérité, qui termine son amour. Mme de se meurt de chagrin.

C'est un étrange récit, complètement en dehors du temps. Déjà, parce qu'il n'est pas daté dans la livre. Ensuite, parce qu'au moment de sa parution, en 1951, il n'était plus de saison. Pour mieux situer les choses, c'est aussi l'année de parution du Barrage contre le Pacifique de Duras. le deuxième sexe était sorti deux ans plus tôt. Et là, nous sommes dans des salons aristocratiques, où le seul souci d'une femme est de paraître, de briller en société, très loin de toutes les contingences matérielles. D'ailleurs Max Ophüls a choisi de situer son film au tournant du XIXe et du Xxe siècle, bien avant la parution du livre de Louise de Vilmorin. le livre oscille entre une ironie savamment maîtrisée, qui utilise le sens de la formule précédemment évoqué, et un vrai sens du tragique. Parce que c'est bien une tragédie à laquelle nous assistons, bien qu'elle se joue dans un somptueux décor, et qu'il ne s'agit surtout pas de parler de tragédie. Dans le monde de Mme de les apparences sont ce qu'il y a de plus important, et paraître souffrir est une faute de goût, et cela est impardonnable, bien plus que de se mal conduire. La cruauté de M. de qui torture littéralement sa femme, garde à tout moment les bonnes manières de surface, qui permettent tout, contre lesquelles il n'y a rien à objecter.

Un livre brillant, et qui vaut la peine d'être lu, au final complémentaire du film d'Ophüls. Comparé parfois à La princesse de Clèves, qui sans aucun doute figure parmi ses modèles, il n'en a pas évidemment la stature, mais reste un excellent roman d'un auteur qui mérite qu'on s'y plonge.
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