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Critique de Denis_76


Ce traité est un coup de gueule du philosophe en 1763 contre la justice toulousaine et les religions. Puis, c'est aussi un coup de gueule des Français quand, après les attentats du 13 novembre 2015, il y a une recrudescence des ventes de ce petit livre.
Aaah, Voltaire, c'est mon pote, lui aussi ! J'ai l'impression de l'avoir toujours connu. 
En 1762, poussés par le capitoul ( maire-magistrat ) et la rumeur de Toulouse-la-catholique, 8 magistrats sur 13 envoient Jean Calas, huguenot, au supplice de la roue jusqu'à ce que mort s'ensuive, parce que, disent ils, il a pendu son fils Marc-Antoine car il voulait se convertir au catholicisme ... Mais c'est faux !
Profondément touché par cette injustice révélée par maintes incohérences, en 1763, François-Marie Arouet publie un "Traité sur la Tolérance", empli de raison, éclairé par Les Lumières, mais aussi, comme d'habitude avec lui, plein d'ironie et même d'insolence pour le monde religieux outrancier. 

Quand Socrate a bu la ciguë, il avait hâte de pouvoir discuter avec Homère. Quand je partirai, je serai pressé de trouver, outre ma famille,  Voltaire ... et Socrate ! On peut toujours rêver. 
Ce livre m'a fait rire et pleurer. Il est à rapprocher du "Napoléon le petit" de Victor Hugo, ou du "J'accuse" de Zola. Quand un grand écrivain sort ses tripes au nom de l'éthique, il est sublime. 
Qu'y a t-il dans ce petit livre ? Il est trop dense, et toute la culture de Voltaire s'exprime, avec un nombre incalculable de témoignages, de références. Les Romains furent tolérants, pas les Juifs ni les Chrétiens : la plupart des histoires de saints sont des fadaises, des impostures, des mensonges, montre t-il. 
"Voyons si Jésus-Christ a institué tout ça !" (là, on se rapproche de « La religieuse » de Diderot ), écrit-il. Mais non, ses paraboles sont mal interprétées par les hommes, et autant d'occasions de persécuter les humains, nos frères. L'ironie est partout, pas forcément goûtée par la mentalité française, mais plus dans l'esprit anglais. Puis il cite de nombreux témoignages signifiant l'intolérance : st Augustin, st Hilaire, st Justin, Fénelon, de Thou, etc... 
Il invente ensuite le dialogue absurde entre un mourant et un fanatique lui ordonnant d'abjurer sa religion ; ... Ensuite, contre les outrances de l'intolérance, il invente une proposition "du pire" au jésuite le Tellier, confesseur de Louis XIV ; ... Puis il imagine une querelle idiote ( j'étais MDR) entre un jésuite et un janséniste en Chine ! 
... Et il fait un hommage à Dame Nature. 
En gros, Voltaire est contre les sophistes, les inquisiteurs, les jansénistes et les jésuites, l'évêque d'Hippone et autres extrémistes, les superstitions et les préjugés : "le droit à l'intolérance est barbare", dit-il, et Attila a fait moins de morts que toutes les religions, qui, estime t-il, jusqu'en 1763, ont fait cinquante millions de morts. Prend-t il en compte les indiens d'Amérique sacrifiés au catholicisme des conquérants espagnols ?

A la fin du livre, Voltaire se loue de la clémence de Paris qui a contré l'arrêt de Toulouse, libéré les filles de la veuve Calas, Louis XV le bien-aimé accordant à celle-ci une indemnité pécuniaire. 

Voltaire, par ses paroles incisives et ses pamphlets, me fait penser à  « Blanqui l'insurgé » (excellente biographie d'Alain Decaux ), un siècle plus tard : celui-ci fiut hors d'état de "nuire" la moitié de sa vie, pour cause de troubles et de provocations. Celui-là se réfugia en Angleterre et en Suisse.

Voltaire convainc très bien  : je suis devenu déiste grâce à lui, grâce à cette phrase : 

"L'univers m'embarrasse, et je ne puis songer 
Que cette horloge existe et n'ait point d'horloger."
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