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Critique de lecteurbretonetplus


Que sait-on du 14 juillet ? Comment s'est passée la prise de la Bastille, cet événement considéré comme le début de la Révolution française dont la commémoration est devenue « Fête nationale » ? On y associe souvent quelques tableaux montrant la forteresse plus ou moins enfumée ou enflammée, une foule et des soldats poussant des canons, la réplique du Duc de Liancourt à Louis XVI qui lui demande : « Mais, c'est une révolte ? ». « Non Sire, c'est une révolution ! ». Mais finalement comment cela s'est-il passé, vu et vécu par le peuple parisien ?

C'est ce que Éric Vuillard a réussi à décrire dans ce livre avec une reconstitution extrêmement plausible, véridique, parce qu'incarnée par des personnages dont on connait le nom, l'origine, l'occupation, dont l'apparence physique, les comportements, les sentiments sont esquissés… Une sorte de reportage en direct d'une chaîne d'info immédiate avec interview flash et image choc ? Non, car le point de vue de l'auteur est très clair et la perspective historique reste toujours présente.

Le contexte d'abord, avec la faim causée par la hausse du prix du froment aggravée après un hiver particulièrement rigoureux, avec ce qu'on n'appelait pas encore le chômage. « Pour six cent mille habitants, Paris comptait quatre-vingt mille âmes sans travail et sans ressources ». Un évènement annonciateur, à la fin du mois d'avril, le saccage de la Folie Triton, où des milliers d'hommes, de femmes, d'enfants saccagèrent le palais d'un certain monsieur Réveillon devenu immensément riche. Ce fut une des deux journées les plus meurtrières de la Révolution française. Pendant ce temps-là, « Versailles est une couronne de lumière, un lustre, une robe, un décor » dissimulant une France en banqueroute.

C'est le moment où Camille Desmoulins « propose au peuple la colère. (…) On prépare une Saint Barthélémy des patriotes ». S'en suivent 24 heures de progression du peuple de Paris jusqu'à la prison de la Bastille, avec quelques arrêts dus aux essais de résistance de forces royales. Éric Vuillard narre tous ces évènements avec force détails aussi précis que réalistes, avec des femmes et des hommes qui ont un nom, un visage, quelques traits d'histoire personnelle. Tous sont le Peuple qui crie sa misère et se met en colère. Il les fait revivre, constituant cette « foule prodigieuse, sorte de totalité.». Foule qui avance, qui s'indigne, qui s'effraie, qui avance encore car la colère est plus forte que la peur. Foule qui aperçoit la forteresse de la Bastille se dresser : « Huit tours, Qu'un mur relie. Trois mètres d'épaisseur. le mutisme. La surdité. Peu d'ouverture. Aveugle. La citadelle. Très haute. (…) Elle sidère. »

« Il faut écrire ce qu'on ignore. Au total, le 14 juillet, on ignore ce qui se produisit. Les récits que nous en avons sont empesés et lacunaires. C'est depuis la foule sans nom qu'il faut l'envisager. » A partir de ce point de vue, toutes les étapes de cette journée sont racontées dans les détails vécus des individus qui constituent cette foule. En énumérant des noms, en distinguant quelques silhouettes, en sortant de l'anonymat quelques héros oubliés de l'Histoire de France officielle, Vuillard réinvente plus près du peuple cette page historique en contrepoint du récit de Michelet qui parvient à faire de la députation de Thuriot de la Rosière, membre du Comité permanent de l'Hôtel de ville, à la tête d'une délégation chargée de demander la reddition de la vieille forteresse, le moment le plus éclatant de la journée. «Par un de ces grands envoûtements d'écritures, Michelet sépare le peuple, l'immense masse noire qui avance depuis le Faubourg Saint-Antoine de son représentant, qui devient le principal protagoniste de l'Histoire. »

Vuillard rend le 14 juillet à celui qui l'a fait, le peuple de Paris. Ce peuple qui, à la fin de la journée, « dansait, chantait, riait. Les témoignages du jour parlent d'une ambiance folle, exubérante, jamais vue. La joie. Cela n'arrive pas tous les jours ». Ce peuple qui « balança en l'air les archives de l'ordre, registres d'écrou, requêtes demeurées sans réponse, livres de comptes, que l'on vit planer, voleter, se poser sur les toits, dans la boue, sous les arbres, dans les fossés crasseux de la forteresse ».

Je vous laisse lire la dernière page, très actuelle…

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