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Critique de Meps


Les auteurs devraient parfois se méfier de la façon dont ils énoncent le projet de leur livre au sein du livre même. Rapidement ici, alors que je ne connaissais pas le propos du livre avant de le commencer (oui j'avais bien compris vu le titre quelle époque nous allions visiter, ne me traitez pas d'ignare), on comprend qu'Eric Vuillard voudrait mettre en valeur, replacer au centre de l'objectif ce peuple qui a fait du 14 juillet le symbole qu'il est devenu. Il souhaite redonner sa place centrale à ces gens pour qui la Révolution était censée se faire (en tout cas dans l'apparence) et par qui elle a été faite concrètement à certains moments. Beau projet s'il en est... peut-être un peu ambitieux en 200 pages, mais soit, allons voir.

Ce qui est étonnant, c'est que tout en énonçant cette envie, il précise à plusieurs reprise que cela sera difficile voire impossible. On ne sait que peu de choses de ce qu'ont fait les petites gens, on ne connait bien souvent que les noms, âges et professions de ceux qui étaient là, on ne pourra jamais savoir ce qu'ils avaient vraiment dans leur coeur et leur tête en s'attaquant à ce symbole de l'oppression... Bref, en somme, si je me plante, convenez avec moi que c'était un travail difficile. Il prend tellement de ces précautions, qu'il en oublierait presque de faire le travail qu'il s'est lui même fixé !

Il y a un ou deux jolis moments, la collaboration entre inconnus pour sauver un blessé, les héros malgré eux qui pénètrent en premier par un subterfuge et permettent l'ouverture de la voie aux autres... mais finalement les moments les plus détaillés restent ceux vécus par les députés, anciens ou futur nobles remplis d'idées progressistes, sans doute parce que ce sont les moments les plus documentés par l'histoire et donc les plus faciles à retranscrire. Et c'est donc par la critiques de ces députations successives et de leur couardise, qu'apparait en creux le courage du peuple, un portrait indirect qui n'était pas forcément le projet de départ.

On pourrait évoquer le style qui ne m'a pas séduit, en tout cas pas avec ce projet. Je dois d'abord reconnaître que la transition avec ma lecture précédente dans un style également dans le récit, mais plus simple et incarné, n'a pas du jouer en faveur de celui-ci. de jolies phrases avec des mots choisis, des accumulations de noms, de professions, d'habits, à de nombreux moments du récit, comme un tic stylistique qui retrace sans doute bien l'impression d'étouffement de ces journées où tout le monde se précipite les uns contre les autres, mais qui n'aura pas permis pour moi là encore de donner vie aux individus parmi la foule conçue comme un tout. J'ai eu plusieurs fois l'impression de me trouver face à un homme politique cherchant à glorifier le peuple... mais sans le considérer réellement, plutôt comme un moyen sur lequel on s'appuie sans reconnaitre pleinement son mérite.

J'ai cru comprendre que c'était le parti pris habituel de l'auteur de retracer des moments de l'Histoire de façon la plus réaliste possible, en passant par le récit plutôt que par le roman, comme annoncé d'ailleurs dès la couverture. Mais quand le projet historique défendu manque de sources, on est bien obligé de broder sur L Histoire. Quand l'Histoire a décider d'oublier les petites mains et de glorifier des personnages qui ne se les ont que peu sali, le biais d'un récit plus imaginaire mais bâti sur les éléments concrets tout de même, qui nous aurait fait vivre cette journée à travers seulement deux ou trois paires d'yeux, du matin au soir, impliqués avec eux dans cette Histoire en marche dont ils n'avaient pas conscience, m'aurait sans doute davantage séduit. Eric Vuillard ne s'intéresse parfois à certains destins individuels qu'au moment de leur mort, retraçant leur vie passée à rebours, ce qui n'a pas rendu assez hommage à mon goût à toute la vitalité de ces journées ô combien décisives pour notre présent.
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