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Critique de ClaireG


Les conquêtes espagnoles, c'est la faute à Christophe Colomb. Il a fait des émules.

Francisco Pizarro, fils naturel de Gonzalo Pizarro Rodriguez de Aguilar, navigateur averti, ne supporte plus sa condition inférieure et décide de tenter sa chance en Amérique du Sud où il a tôt fait de montrer ses capacités de commandement. Une rigueur extrême et un mépris profond pour les hommes le conduisent à vouloir autre chose que le courage ou l'audace. Analphabète à la tête d'une troupe de rustres, il s'esquinte à découvrir les terres inconnues.

A cheval pour les chefs, à pied pour l'armée, tout ce monde marche, marche, marche dans les forêts denses et humides, dans les montagnes de la cordillère, sous la pluie incessante ou le soleil implacable. Pizarro fait ami-ami avec les autochtones qui très vite, après avoir été pillés et souvent assassinés, servent d'esclaves et de porteurs.

Après deux expéditions au Panama et sur les contreforts andins, accompagné de Diego de Almagro, son fournisseur d'hommes, de provisions et de bateaux, Francisco Pizarro, retourne en Espagne plaider sa cause auprès de Charles-Quint afin qu'il lui confie une nouvelle mission dans l'empire inca. L'or, beaucoup d'or, étant un argument de poids, Pizarro, couvert de privilèges, surtout pour lui et peu pour Almagro, repart pour le Pérou avec armes et bagages, dont ses trois frères.

Huayna Capac, l'Inca, se meurt de la variole apportée par les étrangers. Pas facile de régler pacifiquement la succession quand on a 400 enfants ! Huascar et Atahualpa se partagent cet immense empire. La terreur règne. C'est à ce moment qu'arrivent Francisco Pizarro et Diego de Almagro. « L'empire semblait composé de mille peuples hétérogènes, ne parlant pas les mêmes langues et n'ayant pas les mêmes coutumes. Cela fut un avantage que les conquistadors comprirent aussitôt. Ils pouvaient éveiller les vieilles rancoeurs, rouvrir les anciennes plaies. Selon ce principe, dont les applications sont aussi nombreuses que les noeuds à la barbe des conquistadors, Pizarre ménagea les Huancas, les Soras, les Ancaraes, les Pocras, les Chancas, et bien d'autres. L'empire tombait en miettes, Pizarre souffla dessus ».

Il fut reçu en hôte apprécié par Atahualpa qui lui fit découvrir la civilisation raffinée des Incas et les richesses accumulées au cours de siècles de conquêtes. La fièvre de l'or s'empara des Espagnols. Ils arrachèrent l'or des façades, volèrent les bijoux et les statues, pillèrent les sépultures, amassant des monceaux de métal jaune en piétinant sans cesse dans le sang des Indiens. de coups de force en trahisons, Atahualpa fut fait prisonnier contre rançon : sa vie contre la pièce où il était enfermé remplie d'or. Ce qui fut fait et Pizarro le fait exécuter.

Il construit une ville – la Ciudad de los Reyes – qui reprend son nom quechua quelques années plus tard, Lima. Il en devient gouverneur et Almagro se contente de Cuzco. le combat des chefs se solda par le départ d'Almagro qui veut découvrir le Chili. L'aventure échoue et les voilà revenus à leur inimitié frénétique. le fils d'Almagro complote contre Pizarro et ses frères. le tyran prend un coup d'épée dans le ventre. « le sang flotta autour de lui comme un papillon. Il y eut un silence. le dernier serviteur était mort. La pelote des Parques roula sous un meuble. Les conjurés s'écartèrent. Sur le sol, le gouverneur se tordait lentement, les yeux ouverts ».

Je suis sortie de ce livre épuisée. Par les marches incessantes, par la folie hallucinatoire, par les pillages, les massacres. Par l'odeur écoeurante du sang et de la cupidité. Epuisée par ces conquérants avachis, dépenaillés, obsédés, violents, lamentables. Epuisée parce que ces exactions étaient faites au nom de Dieu et pour l'amour de la lointaine Espagne.

Eric Vuillard a écrit ce livre en 2009. Déjà, il possédait l'art de la formule, la précision du trait, la rapidité de l'expression et l'esprit de synthèse pour ces conquêtes espagnoles qui n'étaient pas encore à leur apogée. Et pourtant, c'est long à lire, presqu'aussi long que ces marches forcées, que ces fourberies, que ces tueries continuelles. le style est fougueux, le rythme approprié à chaque circonstance, la langue parfaite.

Mais pourquoi Pizarro l'analphabète, chevauchant sans cesse, a-t-il autant d'états d'âme, autant de retours sur son enfance bâtarde ? Cela ne cadre pas vraiment avec le personnage. Sans doute réunit-il toutes les questions qu'il est bon de se poser sur la colonisation, sur les défaites et les victoires, sur le droit de déposséder les uns pour assouvir le pouvoir des autres. Lecture très instructive pour ceux qui aiment les pages sanglantes de la grande Histoire et celle moins connue de cette partie du monde.
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