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Critique de AMR_La_Pirate


Manuel Vasquez Montalbán a créé le personnage du détective privé Pepe Carvalho, ancien antifranquiste et membre du parti communiste, qui a même collaboré à l'occasion avec la CIA, pour le faire évoluer dans une Espagne qui se cherche pendant les années de transition lors de retour de la monarchie et de la démocratie à partir de la fin des années 1970.

Dans Les Oiseaux de Bangkok, nous sommes déjà en 1982 ; alors que l'Espagne se prépare, dans un climat difficile et des rumeurs contradictoires, pour les élections législatives qui verront la victoire écrasante du parti socialiste de Felipe Gonzalez, la défaite de l'extrême droite et, surtout, un revers important pour les communistes chers à Manuel Vásquez Montalbán et à son personnage. Ces élections sont suffisamment importantes pour que Pepe Carvalho, bien que sceptique vis à vis des grands changements promis, décide de voter par correspondances depuis l'étranger.
J'ai relevé un passage intéressant où Pepe Carvalho fait un parallèle entre le sort des communistes thaïlandais, réfugiés dans la jungle pendant quelques années avant de se rendre aux autorités et les communistes espagnols ; il remplace les palmiers par des sapins pyrénéens et transpose le récit de son guide pour l'adapter à la défaite communiste espagnole.
La tonalité générale de ce livre est plutôt pessimiste, Pepe Carvalho subit plus qu'il n'agit : « et tout ça pour une femme dont je n'ai rien à foutre et pour des honoraires qui me laisseront à peine quatre ronds en poche ».

Le détective vient de terminer une enquête et se retrouve au chômage… Tout le début du livre, environ 90 pages, est consacré aux pathétiques et infructueuses tentatives du détective pour se faire engager par les proches d'une bourgeoise de Barcelone dont l'assassinat fait la une des journaux ; Pepe Carvalho s'abaisse sans succès auprès des suspects potentiels pour se voir confier l'affaire… Puis, une de ses vieilles amies l'appelle à son secours depuis la Thaïlande où elle semble être la proie de dangereux mafiosi… Pepe Carvalho entreprend alors un voyage à la fois absurde et déjanté pour aller à sa recherche. Tout au long du roman, les trois enquêtes, celle qui semble terminée, celle qui n'est pas pour Carvalho et enfin, celle qu'il accepte de mener, vont se révéler étrangement imbriquées, bien que sans rapport entre elles.

Parmi les clés de lecture possibles, j'ai relevé l'amour dans des déclinaisons particulières : il y a bien sur l'amour entre un détective et une prostituée qui ne surprendra pas les amateurs de Pepe Carvalho puisque Charo fait partie du paysage, mais il faut noter qu'elle a ici une place assez importante dans le récit ; mais ce roman donne aussi une belle part à l'amour entre deux femmes, entre une femme mûre et un jeune homme, dans un vieux couple ou encore adultérin… Il est même question d'amour filial.
En ce qui concerne le côté exotique et oriental avec la Thaïlande en toile de fond, je dirai que les voyages en avion ou en bus sont dignes d'un film d'Almodóvar à la fois surréaliste et burlesque et que les catalans ne s'y montrent pas sous leur meilleur jour. Les longs passages consacrés au tourisme sexuel, au temps passé dans les lupanars ou les salons de massage, ou même simplement autour des piscines des hôtels sont empreints d'un voyeurisme insistant.
Naturellement, la partie gastronomique est importante tant dans les restaurants divers fréquentés par le détective gourmet que dans ses tentatives pour cuisiner des petits plats savoureux avec les moyens du bord quand l'occasion se présente. Durant la partie du récit qui a lieu en Espagne, Carvalho brûle naturellement quelques livres pour ne pas être tenté de les relire et pour donner à ses préparations le côté littéraire que ses inconditionnels lui reconnaitront.
Enfin, il y a les fameux oiseaux, les hirondelles de Bangkok et d'ailleurs, toujours en filigrane dans le récit, alignés sur les fils électriques et fientant sur les voitures et les piétons, pépiant « de joie, de faim, de peur ou pour proclamer leur hégémonie sur la ville des hommes », sorte de métaphore de la condition humaine…

J'ai eu un peu de mal à venir à bout de cette lecture : l'intrigue met du temps à se nouer et même si la partie thaïlandaise apporte un peu d'action et de suspense, j'ai trouvé l'ensemble assez poussif.
Ce roman s'adresse aux lecteurs avertis de Manuel Vásquez Montalbán, familiers de son univers ; les autres risquent fort de s'y ennuyer…
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