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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Time runs out, volume 1 (épisodes 35 à 37 de "Avengers", et 24 & 25 de "New Avengers") qu'il est indispensable d'avoir lu avant. Il contient les épisodes 38 & 39 de la série "Avengers", et 26 à 28 de la série "New Avengers", initialement parus en 2015, tous écrits par Jonathan Hickman. Par ordre de lecture, l'épisode 26 de New Avengers est dessiné et encré par Kev Walker, le 38 d'Avengers par Stefano Caselli, le 27 de New Avengers par Szymon Kudranski. Les épisodes 39 d'Avengers et 28 de de New Avengers sont dessinés et encrés par Mike Deodato (aidé de Mike Perkins pour le 28).

Arrivé à ce stade du récit, c'est très compliqué. Tony Star est prisonnier de Yabbat Tarrut (Black Swan) qui évoque un mystérieux Rabum Alal pour qui elle donnerait sa vie. Valeria Richards fait le point avec Victor von Doom qui garde un oeil sur Owen Reece. Corvus Glaive et Proxima Midnight (2 membres du Black Order, voir Infinity) supputent les motifs de la stratégie de Thanos.

À ce niveau du récit, les stratégies et les actions des différentes factions en lice les amènent naturellement à plusieurs confrontations, entre le Shield (et Steve Rogers), les Avengers de Reed Richards (dont un Captain Britain), les Avengers de Roberto da Costa, une nouvelle équipe de New Avengers, et encore plein de monde.

Tout a commencé avec Avengers world et Everything dies, en 2013. Jonathan Hickman a conçu son récit sur 2 ans à l'échelle de plus de 60 épisodes. À l'évidence, un lecteur qui entrerait dans cette histoire par ce tome n'aurait aucune chance d'en comprendre les enjeux, ni même comment les personnages ont pu évoluer à ce point-là.

Avec le concept de "Time runs out", Jonathan Hickman a vendu une idée assez incroyable aux responsables éditoriaux ; avancer le récit de 8 moins dans le futur (par rapport à la série elle-même, mais aussi par rapport aux autres séries de l'univers partagé Marvel). Il peut ainsi raconter une histoire (qui compte vraiment) dans cet univers partagé, tout en pouvant modifier chaque personnage qui apparaît car cette même histoire se déroule après les autres séries en cours. En prime, il peut modifier ce qu'il veut car tout l'univers Marvel se dirige vers un crossover massif et généralisé : "Secret wars", version 2015.

Le lecteur peut ainsi avoir son gâteau et le manger (ou en français, le beurre et l'argent du beurre) : lire des aventures qui comptent de ses superhéros préférés, et ressentir une illusion du changement totale (puisqu'Hickman a la possibilité de faire évoluer chaque personnage comme bon lui semble, débarrassé de l'obligation de préserver le statu quo des autres séries). En plus, le scénariste intègre avec naturel tous les changements survenus récemment dans les autres séries (par exemple Thor sans son marteau, ou le vieillissement de Steve Rogers).

Non seulement, Hickman utilise avec intelligence et efficacité cette liberté peu commune, dans un univers partagé étant propriété intellectuelle d'un grand éditeur, mais en plus l'intrigue génère un suspense décoiffant, tout en maintenant un rythme soutenu, avec des personnages hauts en couleur, et des moments énormes.

Au vu de l'ampleur du risque de destruction (les incursions), chaque sous-équipe des Avengers, chaque Avenger ont leur propre idée sur les mesures à prendre pour éviter l'annihilation. Plusieurs d'entre eux ont choisi de compromettre leurs idéaux moraux, en développant des stratégies de défense ou d'évitement, générant d'énormes dommages collatéraux (= la mort de la population d'autres planètes, des Terre de dimensions parallèles).

Jonathan Hickman gère avec une adresse ahurissante de nombreuses équipes (chacune avec sa stratégie et ses modes opératoires), une multitude de personnages (en prenant le temps d'en développer un de temps en temps, et en respectant le profil psychologique de chacun), des sous-intrigues interconnectées au travers de ces dizaines d'épisodes (la communauté des Prêtres Noirs, dans l'espace nul des univers détruits), en introduisant des changements surprenants et logiques (Doctor Strange, Roberto da Costa, Shang-Chi). Son intrigue va encore crescendo, se rapprochant toujours de cette Incursion finale qui semble de plus en plus inéluctable, quelle que soit l'énergie développée par les superhéros et supercriminels pour l'éviter.

La narration d'Hickman n'est pas parfaite. Il a souvent besoin de développer des séquences de dialogues conséquentes pour que les personnages puissent faire le point sur ce qu'ils savent, obligeant le dessinateur concerné à faire des efforts de mis en scène (plus ou moins réels) pour rendre ces scènes visuellement intéressantes. Disposant de l'intégralité de l'univers partagé Marvel comme terrain de jeu, Hickman doit faire de choix sur les personnages qui apparaissent.

Sans surprise, le lecteur ne peut que constater qu'Hickman a rapatrié les Fantastic Four dans le giron des Avengers (il avait écrit leur série avant, à commencer par Dark Reign: Fantastic Four). Il remarque aussi que l'accent est plus mis sur les superhéros que sur les supercriminels, étrangement absents, à quelques exceptions près. À nouveau dans ce genre d'événement de très grande ampleur, les civils brillent par leur absence, comme si cet univers partagé n'existe que pour les individus disposant de superpouvoirs.

Ces 2 séries "Avengers" et "New Avengers" constituent également un défi éditorial de coordination de haute voltige puisqu'il faut que les 2 séries avancent en même (l'histoire se poursuivant d'un épisode de l'une dans l'épisode suivant de l'autre), et qu'elles aboutissent en temps et en heure pour le crossover généralisé "Secret Wars" (2015). Ce niveau de contrainte explique que chaque épisode (ou presque) est confié à un dessinateur différent.

Au vu de la force narrative de l'intrigue, les dessinateurs semblent réduits au simple rôle de metteur en image, sans aucune marge de manoeuvre pour interpréter. Dans ce type de prestation très contrainte, les pages de Kev Walker sont un peu fades, trop fonctionnelles, avec une absence trop flagrantes d'arrière-plan. La narration visuelle est claire et lisible, mais fade.

Alors que Stefano Caselli hérite de nombreux dialogues, ses pages sont plus immersives que celles de Kev Walker, avec des décors plus présents et plus substantiels, et des personnages bien détaillés visuellement. Szymon Kudranski a également beaucoup de pages de dialogues à illustrer. Il s'en sort mieux que Walker et Caselli, avec des dessins rendant mieux compte de la démesure des personnages en présence, des énergies déchaînées, et de la compromission des héros.

Mike Deodato est toujours aussi impressionnant dans ses compositions de page énergétiques, dans son encrage fin et appuyé donnant une impression de sérieux impeccable. le lecteur peut juste regretter que tous les personnages féminins soient affligés du même défaut morphologique qui les contraint à être cambrées au-delà du raisonnable quelle que soit leur posture, ou leur activité.

Ce deuxième tome "Time runs out" continue de faire monter le suspense et la tension, les différentes factions de superhéros se heurtent du fait des convictions légitimes (mais irréconciliables) de leurs meneurs, et l'Incursion finale se rapproche inexorablement, comme si les actions des uns et des autres n'avaient aucun effet. Jonathan Hickman est un chef d'orchestre formidable, coordonnant avec maestria tous les fils de ses intrigues, tout en profitant de la grande liberté dont il dispose du fait du décalage de 8 mois en avant du récit, tout en respectant les spécificités de chaque personnage, de chaque série.
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