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Critique de YRES


YRES
06 septembre 2020
L'auteur déclare d'emblée que le sommeil est quelque chose d'important et même de très important puisque selon lui si on ne lui consacre pas en moyenne 8 heures par jour on court de nombreux risques comme la maladie ou la réduction de l'espérance de vie.
Il complète en disant qu'il n'y a pas un seul de nos organes qui ne pâtisse pas d'un manque de sommeil.
Paradoxalement il indique au début de son livre qu'on ne sait pas vraiment pourquoi nous dormons, nous les humains comme tous les êtres vivants, et notamment comment l'évolution a conduit à cette sélection naturelle de toutes les espèces, alors que la période de sommeil est un moment d'extrême vulnérabilité vis-à-vis des prédateurs.
Il laisse cependant entendre que la science dispose maintenant de la réponse et donc qu'à priori son livre va nous la révéler ce qui est une raison suffisante pour le lire jusqu'au bout.
Matthew Walker est un scientifique (neurologiste) et à ce titre il étaye ses affirmations par des expériences qu'il a menées lui-même ou dont il donne les références. Un petit coup d'oeil à Wikipedia révèle néanmoins une controverse sur une des expériences réalisée sur un échantillon faible et non représentatif et qui plus est dont une mesure n'allant pas dans le sens de la conclusion à été supprimée.
Il est vrai que ce qui nous est décrit dans le début de ce livre est assez conforme à l'intuition et donc qu'il peut être tentant pour un chercheur de vouloir arriver à ces résultats quoiqu'il arrive dans les expériences.
Il faudra donc conserver son sens critique dans la suite de la lecture.
La première évidence qui ressort de l'étude du sommeil des êtres vivants est qu'ils sont tous assujettis au rythme circadien, c'est à dire cette période qui correspond à un jour et évaluée plus ou moins à 24 heures. C'est ce qui rythme le sommeil quoiqu'il arrive et même consécutivement à des privations. le besoin de sommeil est déclenché par l'accumulation d'une hormone en période de veille, l'adénosine, en conjonction avec la position de l'instant dans le cycle circadien. le besoin de sommeil sera d'autant plus impérieux que la quantité d'adénosine accumulée sera importante et que l'instant considèré est proche de l'heure du coucher.

Le sommeil est divisé en deux phases désignées par les acronymes REM et NREM, respectivement Rapid Eyes Movements et Non Rapid Eyes Movements durant lesquelles l'activité du cerveau est différente et notamment en termes de régularité et de fréquence des signaux. Un tableau trouvé sur le Web résume cela.
It was the electroencephalograph (EEG) invention that allowed scientists to study sleep in ways that were not previously possible. During the 1950s, a graduate student named Eugene Aserinsky used this tool to discover what is known today as REM sleep.1 Further studies of human sleep have demonstrated that sleep progresses through a series of stages in which different brain wave patterns are displayed.2

Illustration by JR Bee, Verywell
There are two main types of sleep:
1. Non-rapid eye movement (NREM) - also known as quiet sleep
Rapid eye movement (REM) - also known as active sleep or paradoxical sleep

Après une longue discussion sur les besoins très divers en sommeil des différentes espèces animales qui peuvent aller de 5 (girafes) à 15 heures (lions) sans aucune logique apparente, des espèces proches pouvant avoir des durées de sommeil complètement différentes, il est question de celles qui n'ont pas la phase REM comme les cétacés, ce qui pourrait s'expliquer par la nécessité de respirer à la surface. L'auteur penche plutôt sur la difficulté à détecter cette phase qui selon lui pourrait avoir des formes d'expression différentes.
La question est néanmoins abordée de savoir quand le REM serait apparu au cours de l'évolution.
Historiquement le sommeil a été longtemps réparti sur deux périodes de la journée avec la partie principale la nuit et le complément avec la sieste de l'après-midi. le passage à un sommeil en une partie a été plus récent en Grèce et subsiste encore en certains endroits. Il a été constaté dans les populations concernées moins de maladie et une plus grande longévité.
Suit un chapitre où est proclamé avec beaucoup d'emphase mais sans justification précise que le développement de la phase REM serait le facteur déterminant de l'émergence de l'homosapiens. L'auteur considère qu'il s'agit d'un fait établi mais ne donne aucun élément sur la façon dont l'évolution naturelle pourrait expliquer cela. Aucun mécanisme n'est esquissé pour expliquer pourquoi la REM aurait permis l'émergence de groupes intelligents et créatifs et également ce qui aurait poussé l'évolution dans cette voie.
La REM chez le foetus est une phase importante et même prédominante et dans ce chapitre l'auteur recommence à citer des études ce qui rassure sur la crédibilité. Il semblerait que l'absence de REM ou leur diminution pour telle ou telle raison pourrait être une cause d'autisme. Cette cause peut être l'absorption d'alcool par la mère avant l'accouchement et même durant l'allaitement.
Des effets de réduction de REM ont été observés après absorption d'un verre d'alcool et le foetus ou le nouveau-né n'ont de cesse que de récupérer par la suite le manque de REM.
Les conséquences à long terme d'une carence en REM ne sont pas encore clairement établies.
Suit l'examen du rythme de sommeil dans les diffèrent âges de la vie.
Passée la période de sommeil polyphasique du bébé, l'enfant rallie la monophasie. le rythme circadien n'est pas calé pareil ; un jeune enfant a besoin de dormir à 9h et en conséquence se réveille plus tôt que ses parents.
La problématique s'aggrave avec l'adolescent qui n'a sommeil qu'après minuit et se lèverait spontanément très tard dans la matinée. L'auteur présente cela comme des faits indéniables et sans faire référence à des études. Il glisse au passage le conseil aux parents de respecter cette différence de leurs ados.
Le chapitre sur le sommeil des vieux est l'occasion pour l'auteur de retomber sur des considérations personnelles et pas toujours scientifiquement étudiées semble-t-il. Il affirme que le besoin en sommeil des anciens ne diminue pas contrairement à une  « idée reçue ». Il explique cela par des considérations de bon sens (le sien). Il évoque le fractionnement du sommeil lié aux problèmes de vessie, aux risques d'accidents associés et la difficulté du rendormissement. Il évoque la possibilité d'un lien entre la perte de sommeil et notamment du profond (NREM) et de différentes pathologies et il y va de ses conseils personnels pour améliorer cela, mais sans véritable fondement scientifique. Ce chapitre aurait sa place dans une revue hebdomadaire grand public !
L'intérêt de la lecture reprend avec le chapitre suivant consacré à une expérience sur l'impact d'une phase de sommeil avant un apprentissage. le test est constitué de deux exercices de mémorisation séparés ou non par une période de sieste. le groupe bénéficiant de la sieste se montre plus performant qu'un groupe témoin resté éveillé. L'explication donnée est que la première partie de la mémorisation est gardée à titre provisoire dans l'hypocampe. Si une période de sommeil intervient et notamment avec des signes d'une activité cérébrale particulière en NREM, il semblerait que l'information soit transférée dans une autre zone à plus long terme libérant de ce fait de l'espace pour une nouvelle mémorisation provisoire.
Le sommeil après un apprentissage est également source de bénéfice et notamment grâce à la phase NREM et plus précisément la sous phase de sommeil profond. Dès tests montrent que c'est pendant ce temps que les mémorisations de la phase de veille sont transférées de l'hippocampe vers le cortex. Ce n'est pas un simple transfert. Il semble que l'information soit reconditionnée et « rationalisée » pour une conservation à long terme. C'est également à ce moment qu'un tri peut être effectué et certaines choses rejetées. Des tests dans lesquels certains faits étaient libellés à retenir ou à ne pas retenir ont donné des résultats dans ce sens.
Cette capacité du cerveau intervient également dans les autres domaines de la mémorisation comme par exemple celle d'un geste sportif, technique, un entraînement de musicien. Après une période de sommeil des tests ont montré des progrès dans l'acquisition d'un geste.
L'auteur ne donne qu'un échantillon des expériences effectuées mais étend son raisonnement pour indiquer que dans le sport notamment il est persuadé que le sommeil est la clé de tout, l'apprentissage du geste technique, la récupération, la guérison des blessures etc…
Une chose importante à noter est que la phase de sommeil en question intervient dans les deux dernières heures pour un nuit complète à 8h, et qu'elles sont parfois malheureusement sacrifiées à tort.
Le chapitre qui suit est consacré aux effets de la privation de sommeil. Il n'apprend rien en terme qualitatif mais les expériences décrites permettent d'en avoir une approche quantitative.
Un déficit de sommeil apparaît à moins de 8 heures par nuit. Qu'elle soit le résultat d'une ou plusieurs nuits blanches ou d'un ratio quotidien trop faible, une privation de sommeil entraîne une perte de concentration. Des personnes ne dormant pas suffisamment fonctionnent avec des capacités intellectuelles et physiques diminuées et le plus souvent sans en être conscientes.
Contrairement à la croyance populaire, une bonne nuit est loin d'être suffisante pour rattraper le déficit.
L'auteur en vient alors progressivement au message de sécurité publique en faisant remarquer qu'un état de somnolence entraîne les mêmes dégradations qu'un état alcoolisé et notamment dans la conduite d'un véhicule. Il pointe la différence de moyens que les états modernes consacrent à ce fléau de la somnolence au volant qui pourtant est bien plus répandu et grave que l'alcool. L'endormissement d'un conducteur est bien plus grave qu'une perte de réflexe due à l'alcool car il conduit à un crash assuré et non pas à une réaction tardive qui accroît seulement les risques.
La privation de sommeil a un impact que tout le monde connaît sur l'humeur. L'auteur conclue le passage qui est consacré à cet effet par une citation :
« The best bridge between despair and hope is a good night's sleep. » E. Joseph Cossman
Il envisage même que cet effet d'amplification des émotions par le déficit de sommeil avec également son effet balancier entraînant l'individu d'une tristesse profonde à une joie irrationnelle et inversement puisse être reliée au phénomène de suicide des adolescents.
Il existe des liens entre la maladie d'Alzheimer et le déficit de sommeil et particulièrement la phase NREM (sommeil profond). Des études sont réalisées sur le sujet mais ne permettent pas d'affirmer que le déficit de sommeil profond au cours de la vie serait la cause de cette maladie à un âge plus avancé. Un mécanisme de cette dégénérescence qui s'apparente à un encrassement progressif du cerveau a été décrit. Il est analogue à l'encrassement des artères responsable des maladies cardiovasculaires.
Cette maladie est marquée par la formation d'une variété toxique de la protéine appelée béta-amyloid qui s'accumule sous la forme de plaques dans le cerveau et finit par détruire les neurones de certaines régions. Il a été montré que cet encrassement se produit de façon normale en phase d'éveil et qu'une fonction de nettoyage s'active pendant le sommeil NREM.
Un déficit de NREM favoriserait l'accumulation de ces plaques et leur présence inhiberait cette phase.
Des d'études sont en cours pour essayer de définir des protocoles de prévention favorisant par exemple le déclenchement du sommeil profond à l'instar des traitements de statine pour les maladies cardiovasculaires.
En complément des désagréments causés par le manque de sommeil, l'auteur entreprend de détailler son influence sur notre santé.
Des expériences ont montré que quelques jours de réduction de sommeil suffiraient à faire apparaître chez des individus en bonne santé des signes inquiétants de diabète c'est à dire de mauvaise évacuation du glucose du sang.
Avec l'obésité, des tests plus ou moins élaborés avec un groupe dormant 8 h30 et l'autre 5h30 ont montré que les indicateurs de satiété et du sentiment de faim étaient perturbés par une dette de sommeil. Les individus privés de sommeil sont plus enclins à grignoter et se précipiter sur les nourritures riches et très transformées. L'appareil digestif est aussi affecté par la privation de sommeil en terme des bactéries favorisées dans le microbiote.
Un autre effet a été constaté sur des groupes d'obèses en recherche de perte de poids, c'est que les mauvais dormeurs maigrissent certes mais au détriment de leurs muscles !
En ce qui concerne les capacités sexuelles, elles ne font pas exception et sont entamées par un déficit de sommeil chez hommes et femmes confondus. L'auteur cite ensuite l'expérience d'une chercheuse Suédoise démontrant que l'attractivité par l'apparence était entamée de la même façon, pour conclure que cela ne pouvait manquer d'impacter la sélection naturelle.
Plus inquiétants encore sont les liens qui ont été établis entre le bon état du système immunitaire et le sommeil. Des expériences menées avec des groupes assujettis à des ratios de sommeils allant de 5 à 8 heures et auxquels on a injecté des germes de rhume ont clairement montré que les bons dormeurs développaient moins la maladie. de même l'efficacité de la vaccination contre la grippe est meilleure parmi les bons dormeurs. Plus inquiétante est la constatation qu'une période de déficit de sommeil entraîne des séquelles du système immunitaire encore visibles au bout d'un an.
Les cancers et notamment les métastasés trouvent un terrain plus favorables chez les mauvais dormeurs. Ces constatations sont à priori issus de statistiques.
Pour renforcer son message l'auteur rapporte que le Danemark est le premier pays à indemniser des femmes ayant développé un cancer du sein après des années de travail en horaires décalés. de même l'OMS a reconnu que le travail de nuit était probablement une cause de cancer.
Le dernier effet et non des moindres décrit par l'auteur et qui selon lui a pu être démontré par des expériences sur des souris est un supposé impact d'un manque de sommeil chronique sur l'intégrité de notre ADN.
En guise de provocation sans doute il conclut que le non respect du sommeil de nos adolescents s'apparenterait à de la manipulation génétique.
Le chapitre suivant aborde un aspect intéressant et encore plein de mystères du sommeil qu'est le rêve. Freud est le premier à en avoir extirpé le côté précédemment considéré comme surnaturel mais sa théorie non démontrée par l'expérience selon laquelle il correspondrait à l'expression de désirs refoulés et maquillés par le cerveau pour préserver l'individu n'a pas résisté aux avancées modernes. Freud pensait que le rêve était le processus par lequel étaient évacués les déchets maquillés de la journée de veille et des expériences menées par Stickgold ont montré qu'au contraire ils ne contenaient que des éléments limpides essentiellement révélateurs d'émotions.
Le rêve a aussi été longtemps considéré à tort comme un épiphénomène accompagnant le sommeil REM. Il a en réalité une utilité en tant que tel.
Une découverte fondamentale de l'auteur a été la constatation que cette période de REM était la seule de la journée pendant laquelle le taux en une hormone baissait notablement, la noradrenaline. Cette hormone est celle qui maintient le cerveau dans un état de stress et donc de grande réactivité aux émotions. Son absence ou presque durant le REM et donc des rêves qui le peuplent permet au cerveau de relativiser en quelque sorte les émotions traumatisantes. Une expérience avec deux groupes auxquels étaient montrées à deux reprises des images suscitant une réaction émotionnelle et dont l'un bénéficiait d'une phase de sommeil entre les deux expositions aux images a montré que le groupe reposé réagissait moins à l'émotion la deuxième fois (observation par IRM) et a donc permis une première validation de l'hypothèse. Une confirmation expérimentale a été obtenue par hasard lorsque l'auteur a croisé un confrère soignant des vétérans de guerre souffrant de problèmes post traumatiques et qu'il parvenait à apaiser par une molécule, la prazosine destinée à réduire leur pression artérielle. Il est apparu que cette drogue faisait parallèlement chuter le taux de noradrenaline favorisant ainsi l'apparition de rêves apaisants. L'auteur le prend comme un exemple de « serendipity », c'est à dire découverte heureuse ou chanceuse, car il l'a faite par hasard sans que sa recherche lui ait été consacrée.
L'importance du REM a été mise en évidence dans la capacité de décoder les expressions des autres à travers leur attitude et plus précisément leur visage. le rêve permettrait un « retuning » du décodeur social qui permettrait de reconnaître plus précisément les nuances d'expressions des visages.
La suite est consacrée à un sujet qui est déjà bien ancré dans la sagesse populaire qui pourrait se résumer en une expression « la nuit porte conseil ». Il s'agit d'accorder au rêve (donc dans la phase REM) la vertu d'exacerber la créativité. L'auteur semble y souscrire a priori. Il commence en citant des exemples célèbres de découvertes ou créations qui auraient été effectuées ou inspirées au cours d'un rêve ou pour le moins pendant un sommeil. Cela va de Mendeleiv pour la classification périodique des éléments à McCartney pour les mélodies de « Yesterday » et « Let it be » en passant par Keit Richards pour « Satisfaction ». Walker souscrit pleinement à ces allégations et décrit une expérience qui semble démontrer qu'en période de rêve le cerveau pourrait être plus créatif.
Une théorie est construite sur cette base selon laquelle le rêve étendrait le champ d'investigation du cerveau. Il explicite son point de vue en s'appuyant sur l'exercice consistant à représenter sur un arbre les « one-step-to-the-next associations » que l'on pourrait traduire en arbre d'association d'idées progressif. Dans un état de veille, c'est la raison qui domine et qui limite les associations à des sujets très proches ou très liés. Si cet arbre représente le cheminement de la pensée en mode éveillé, chaque étape est facilement reliée à la précédente. En période de sommeil, le cerveau s'autoriserait en quelque sorte des sauts plus grands. le champ des possibles à partir d'une étape serait notablement élargi et donc une masse plus importante de possibilités seraient explorées ce qui accroîtrait la créativité et la découverte de solution inattendues.
Le petit paragraphe suivant concerne les rêveurs lucide. Ce phénomène a longtemps été considéré comme une plaisanterie mais l'auteur explique la preuve expérimentale qui en a été obtenue. Il y a semble-t-il environ 20% de dormeurs qui peuvent décider de leurs rêves. L'expérience a consisté à enregistrer les signaux de leurs cerveaux en veille, accomplissant une action musculaire simple et à vérifier que ces signaux apparaissaient au cours de leur rêve. La sophistication était plus grande puisqu'ils parvenaient à signaler le début de leur rêve par une autre action convenue.
Matthew Walker s'attaque ensuite aux désordres et pathologies liées au sommeil. Il indique d'entrée qu'ils sont si nombreux qu'il n'en abordera que quelques-uns.
Le somnambulisme est abordé en priorité car il interpelle tout un chacun par son côté spectaculaire. Dans la majorité des cas il ne pose pas de problème car le somnambule va simplement accomplir une action ordinaire alors qu'il est en plein sommeil et pré
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