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Critique de Apikrus


L’auteur, Hans-Günter Wallraff, né en 1942 à Cologne, est un journaliste d’investigation de nationalité allemande. En 1985, pour appréhender et dénoncer la manière dont la population immigrée turque est maltraitée dans son pays, il se fait passer pour un travailleur turc. A cet effet, il emprunte le nom d’Ali Sinirloglu, porte des lentilles foncées, et adopte un jargon lui permettant de se faire comprendre de ses compatriotes sans éveiller leurs soupçons. Ali se voit alors confier diverses tâches pour le compte d’entreprises allemandes, le plus souvent au mépris des règles de santé, de sécurité, et de dignité humaine. Ainsi, Ali se retrouve homme à tout faire dans une ferme, cobaye pour un laboratoire pharmaceutique, ouvrier de la sidérurgie chez Thyssen, puis chauffeur d’un patron magouilleur… Ali teste aussi la réaction de membres du clergé face à sa volonté de conversion à la religion catholique, et la manière dont une entreprise de pompes funèbres lui propose de traiter sa dépouille après un décès qu’il présente comme imminent.

L’image ainsi donnée de l’Allemagne des années 1980 et de certains Allemands est effrayante. Le racisme est présent dans de nombreux milieux sociaux : de l’employeur sans scrupules aux ouvriers craignant une concurrence déloyale de travailleurs turcs (parfois en situation irrégulière), en passant par des représentants du clergé. La manière dont ce racisme s’exprime est toujours choquante : sabotage d’outils de travail, ignorance méprisante, agressions verbales les plus brutales - à chaque fois avec une mauvaise foi flagrante. Ce racisme sert d’ailleurs souvent d’alibi aux hommes d’affaires qui n’auraient pas à s’embarrasser de scrupules pour de "simples Turcs". En effet, la recherche du profit conduit à de nombreux abus à l’encontre de la réglementation et de la dignité humaine.

Le tableau est effrayant quand on songe au traitement fait aux Juifs et aux Tziganes (notamment) à l’époque hitlérienne, d’autant plus effrayant que certains expriment leur nostalgie de cette époque où, selon eux, un pouvoir politique faisait régner l’ordre et offrait une perspective aux travailleurs allemands. Mais gardons nous de tout jugement hâtif, ce n’est heureusement qu’un des aspects de la société allemande que nous présente là Günter Wallraff. Le regard et le comportement de la France et de certains Français à l’égard de populations d’origine nord-africaine n’étaient à la même époque guère plus bienveillants, et cela ne s'est pas arrangé avec la crise économique.
D’ailleurs, voici la conclusion de Günter Wallraff au sujet de l’affairiste Adler, qu'il refuse de qualifier de monstre, nous renvoyant au système économique dans lequel il vit : « Avec toute son énergie et son imagination criminelles, il n’a rien d’un personnage exceptionnel. Rien ne serait plus faux que d’en faire un monstre. Il n’est finalement que l’un des milliers et des milliers de comparses et profiteurs d’un système fondé sur l’exploitation sans limite et le mépris des hommes. »
Autant de recul vis-à-vis d’un personnage qui méprisait et spoliait autant Ali et ses compatriotes turcs est admirable.
Mais l’auteur aurait aussi pu simplement nous renvoyer à la nature humaine...

Un témoignage enrichissant et révoltant, que j'avais déjà lu et apprécié au début des années 90.
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