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Critique de JustAWord


Tout cela pourrait n'être qu'un conte.
Avec un chat, un monsieur reclus dans sa maison, un bois avec des dieux, une petite fille avec un vélo rose et des garçons en vert qui chahutent au grenier.
Oui, tout cela pourrait bien n'être qu'un conte.
Mais Catriona Ward vous réserve quelques surprises chez Sonatine dans La dernière maison avant les bois (The Last House of Needle Street en version originale)… et vous n'êtes pas prêts. Pas du tout.
Car dans ce thriller aux accents fantastiques récompensé par le British Fantasy Award, rien n'est ce qu'il semble être.

Il est impossible de comprendre l'intelligence de la dernière maison avant les bois sans spoiler l'intrigue et, par ricochet, en amoindrir l'impact sur le lecteur. C'est pour cela que nous tenterons de rester le plus prudent possible en vous parlant du récit diabolique de Catriona Ward.
Dans une maison isolée à la fin d'une rue en impasse donnant sur la forêt, une homme se terre derrière des fenêtres obstruées par des planches de bois. Une méprise, tout a commencé par une terrible méprise.
Des années plus tôt, une petite fille a disparu sur le bord du lac non loin, de l'autre côté de la forêt. Et Ted Bannerman s'est laissé prendre en photo lors de la fouille de sa maison. Rapidement innocenté par la police mais forcément coupable auprès des gens qui n'hésitent pas à balancer des pierres sur ses fênetres. Ted vit donc reclus.
Avec sa petite chatte, Olivia, et sa fille, Lauren. On sait peu de choses de Lauren si ce n'est qu'elle semble adorer faire du vélo et qu'elle n'est pas tout le temps chez Ted. Qu'elle est parfois ailleurs.
Dès le second chapitre, surprise : Olivia devient narratrice. La chatte nous parle, elle explique ses doutes, ses peurs, confond les teds entre eux, craint les garçons verts à l'étage, aime lire la Bible et pense être relié à Ted par un fin cordon de lumière depuis qu'il l'a sauvé du caniveau.
Le mystère s'épaissit sur cette maison plongée dans l'obscurité et sur la vie de Ted. Bien vite, on fait la connaissance de Dee, la grande soeur de Lulu, la petite fille à la glace au sirop disparue quelques années auparavant. Dee a vu sa vie s'écrouler depuis la disparition de sa soeur et est bien résolue à trouver le coupable, coûte que coûte. C'est ainsi qu'elle s'installe dans la maison abandonnée à côté de celle de Ted, convaincue que les réponses sont là, à portée de main.
Et…. nous n'en dirons pas plus car tout repose sur les (nombreuses) surprises qui vous attendent dans ce roman, des surprises qui mettent du temps à venir. Catriona Ward élabore une intrigue complètement incroyable et joue avec les attentes du lecteur jusqu'au bout. Sommes-nous dans une histoire réelle ? Est-ce de l'horreur, du thriller, du fantastique ?
Tout est fait pour vous garder dans le doute jusqu'à l'épuisement ou presque. Tant et si bien d'ailleurs que le texte en devient presque énervant, car on veut comprendre, on veut savoir ce qu'il se passe dans cette maison terrifiante.

Au fond pourtant, La dernière maison avant les bois est une histoire de douleur. Une histoire qui fait mal. Ted, Olivia, Dee, Lauren, Lulu et même d'autres personnages bien plus secondaires, tous ont des malheurs, des blessures, des traumatismes. Tous sont victimes à leur façon. Tous vont venir ajouter la pierre de leur souffrance à l'autel narratif construit par Catriona Ward. La faculté de l'autrice américaine pour explorer cette souffrance, pour lui donner un sens dans l'histoire et, tout simplement, à nous la faire ressentir… cette faculté confine ici au génie.
De la même façon que Dan Chaon le fait dans Une Douce Lueur de Malveillance, Catriona Ward nous entraîne dans les souvenirs, dans l'esprit, dans les méandres de l'inconscient. Sauf que cette fois, des choses inquiétantes viennent y rôder. Des monstres aux contours humains, des dieux qui adviennent dans la terre, des prédateurs dans les recoins sombres. le récit se fait horrifique puis fantastique, il joue avec nos perceptions et retourne toujours pourtant à la personne humaine et aux démons qui l'entourent.
Car ce qui fait la différence chez Catriona Ward, c'est justement de ne pas se fier aux apparences et d'essayer de percer le mystère. Un mystère construit comme une poupée russe, où l'on découvre d'autres couches de secrets à l'intérieur des secrets. Et où l'on tombe dans la noirceur la plus totale sans crier gare.
La dernière maison avant les bois n'est pas un conte de fées, et les âmes sensibles feraient bien de le savoir avant de se lancer.
Car tout ici mime l'horreur la plus totale et la plus absolue.

Au coeur de ce roman se trouve une notion fondamentale.
Ce n'est ni la disparition de l'être cher, ni la mise à l'écart du monde qui constitue le point névralgique de cette intrigue en couches d'oignons.
C'est la façon de faire face à l'indicible. C'est la façon qu'ont les personnages du roman de trouver des issues de secours et de se sortir d'évènements complètement terrifiants. Dès lors, le lecteur se retrouve lui aussi à faire face, petit à petit, à la vérité que lui révèle Catriona Ward.
Sur ce monde de ténèbres qu'elle explore non pas pour se complaire dans l'indicible mais pour montrer l'espoir et la sortie au fond du tunnel.
La mort elle-même devient une chose caduque. Les fantômes rodent, les choses surnaturelles se multiplient, le monde apparaît comme dangereux et imprévisible.
Catriona Ward parvient à nous offrir une narration éclatée en plusieurs points de vue — Ted, Olivia et Dee, principalement — à la fois pour nous perdre mais aussi pour illustrer son propos. C'est ce moment admirable où la forme sert le fond et vice-versa.
La dernière maison avant les bois n'est pas un simple exercice de style, c'est une brillante synthèse de ce qu'une narration maitrisée apporte à l'ambiance, aux personnages et au récit lui-même.
Le résultat n'en est que plus incroyable.

Dans La dernière maison avant les bois, rien n'est sûr. Tout devient inquiétant. Catriona Ward jongle avec les genres et éclate son récit pour en faire quelque chose de complètement fascinant et inattendu, offrant au lecteur un page-turner d'une efficacité redoutable avec des personnages fascinants. Vous n'en sortirez pas indemnes.
Et vous allez adorer ça !
Lien : https://justaword.fr/la-dern..
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