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Critique de Eboracynthe


Efficace scénario mais pas ce n'est pas un roman

Ce livre m'a laissé sur des sentiments très contrastés. En bref : ses défauts sont aussi forts que ses qualités. Et cela est assez représentatif de ce que je pense de tout un pan de la sf anglo-saxonne, pour ce que j'en ai lu, c'est à dire une trop faible quantité pour que mon avis se distingue de l'opinion de base.

Ce livre est diablement addictif, comme cela a été écrit un peu partout. C'est vrai, je l'ai lu avec une certaine avidité, indéniablement. Dans ce sens, je ne regrette pas mon achat. Ne jamais bouder son plaisir. MAIS ce livre est aussi mal écrit qu'il est addictif, selon moi. Et il m'a fortement agacé de par son coté lourdement commercial et beaucoup trop calibré, formaté. Je ne dis pas ça par anti-mercantilisme primaire : la plupart du temps, je n'ai aucun problème avec les objets culturels commerciaux, livres inclus. Mais là, c'est trop. Je vais expliquer plus loin et c'est en lien avec son adaptation cinématographique et la "plus-value" que peux/dois avoir un roman si on considère son essence littéraire (c'est une tautologie mais là je crois que c'est pas mal d'insister lourdement sur l'essence/la définition d'un roman)
C'est effectivement l'archétype du page turner. La recette ultime d'un page turner de hard sf transparent, prenant, malin, très malin (avec cette ambivalence du terme lorsqu'il est poussé dans ses retranchements…) La construction, le rythme la fluidité de la langue (et ce sera aussi le défaut principal car ici elle tend à l'inconsistance, selon moi), l'efficacité de la tension dramatique, l'humour et les notions scientifiques formidablement bien vulgarisées : le mec coche tout avec une science consommée époustouflante. Cette recette est maitrisée à un niveau d'extrême professionnalisme. Vous en avez pour votre argent. Pas d'arnaque, c'est solide : USA quality ! Weir nous livre un récit d'ingénieur et son but demeure toujours que la machine narrative fonctionne au cordeau, à la milliseconde, entrainée par un programme informatique sans faille. Goal achieved !
L'anicroche c'est que toutes ces qualités sont pour moi uniquement relatives à l'écriture d'un scénario (certes développé) de film. On sent à chaque page que c'est le seul dessein de l'auteur et/ou de son agent et/ou de l'éditeur. Donc pardon, ce n'est pas mal écrit : ce n'est pas écrit. Pas comme un roman devrait l'être. Au moins, on ne peut pas vraiment lui faire ce reproche car c'est moins que mal écrit :) J'essaie de justifier en me fondant sur les éléments que tout roman doit comporter. D'abord : pas de psychologie. Ou une psychologie très sommaire à base de paquet de données d'émotions basiques qui arrivent, réglées comme des calculs de trajectoires de fusée, au moment où elles doivent arrivées, bien habillées avec leur petit short tout neuf de la NASA. Pas d'atmosphère car pas de descriptions, ou très peu. Je crois qu'il n'y a pas d'adjectifs dans ce livre. Sujet. Verbe. Complément (j'exagère un rien, vous l'aurez compris :) quoi que…). Également, pour moi et ma définition bien subjective de cette notion : pas de sense of wonder. Qui naît d'un savant mélange de concept sf bluffant (et il y en a ici mais présenté comme des articles de science et vie à peine incarné), de mise en scène et de POESIE ; ou d'une dimension évocatrice, d'une sensibilité, d'un sens « graphique », d'un souffle, avec au moins un semblant de construction métaphorique ou symbolique, au sens large du terme. Là. Pas. le problème, c'est que, pour moi, ces deux derniers points font l'essence d'un roman de sf. Et plus largement d'un roman, tout court. L'humour et les dialogues… bon … on pourrait presque les faire basculer dans le positif (puisque c'est un scénario…) mais c'est un peu comme la psychologie en fin de compte : à l'emporte-pièce. Encore une fois, je ne dis pas que ce n'est pas drôle, je dis que au bout de 50 pages je pouvais deviner la nature des vannes et surtout le moment où elle allait tomber. Les punchline sont réglées comme du papier à musique. On pourrait même supposer qu'elles ont été pondues par une IA… Pour moi c'est pénible et les effets comiques en sont minorés, voir sapés. Froide machinerie standardisée. Un problème de naturel, de vie, d'âme, de personnalité. J'ai eu le sentiment d'une machine sans âme. D'un exosquelette hyperperformant mais sans aucune sensibilité ni véritables émotions.
Bref, je pense que Projet dernière fera un film génial, comme Seul sur Mars. Pas de problème avec ça. Mais ce qui porte le nom de roman, sur la couv, en amont, ne mérite pas ce qualificatif, tant son écriture est pauvre et peu travaillée. Les bonnes idées sont celles d'un scénario. Un peu comme certains artistes conceptuels qui ferai mieux d'écrire leurs idées dans un traité ou un essai que de les réaliser en « art » ou « installations », Andy Weir devrait avoir l'honnêteté d'écrire directement des scénarii de sf dans l'objectif unique de faire un film. Il est très doué pour ça. Pas pour écrire des romans. C'est surement un" littéraire" impénitent qui parle mais c'est comme ça.

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