AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de VincentGloeckler


« La fracture entre la plaque eurasiatique et la plaque africaine n'est qu'une égratignure sur la croûte terrestre, mais elle scinde résolument les continents. Ici c'est ici, et là-bas c'est là-bas.
La Néandertalienne, dont les os ont été retrouvés dans une grotte du rocher de Gibraltar, peut, du flanc de sa montagne, apercevoir celle de l'autre côté : le Djebel Musa, vibrant dans la lumière. Discerne-t-telle des signes de vie humaine là-bas ? Des colonnes de fumée à l'horizon ? A-t-elle des « pensées » sur l'autre ?
La vie là-bas n'a pas d'impact sur la sienne. Trop éloignée. » (p.10)
Deux amies néerlandaises, filles de parents d'origine marocaine, ont traversé la Méditerranée pour des vacances dans le pays de leurs familles. Leur périple, pourtant, s'arrête, faute d'argent et après un accident qui a endommagé leur voiture de location, à Rabat. Elles y croisent Saleh, un jeune homme qui leur fait visiter la ville et rencontrer ses amis, attirés par la promesse de relations sexuelles sans lendemains avec elles. le séjour se colore de médiocrité, jusqu'à ce que Saleh leur fasse connaître Murat Idrissi, un jeune marocain qui souhaite rejoindre l'Europe, en profitant du coffre de leur voiture pour s'y dissimuler… C'est le début d'un terrible cauchemar, forgé avec brio par Tommy Wieringa, un grand de la littérature néerlandaise actuelle, dont nous avions déjà beaucoup aimé le « Sainte Rita », un précédent roman nourri de savoureuse satire. Dans ce récit très ramassé, d'à peine plus d'une centaine de pages, l'angoisse grandit de page en page, quand les deux protagonistes sentent les mâchoires d'un piège cruel se refermer sur elle, tandis qu'elles traversent une Espagne hostile, la peur au ventre. Mais surtout, l'aventure, au-delà du drame de l'immigration qu'elle évoque, se transforme en allégorie, révélant sous forme métaphorique l'implacable distance entre deux mondes, qui n'en formaient pourtant qu'un seul, comme le montrent les premières pages, magnifiques, du texte, avant la séparation des plaques, et le sort funeste réservé à ceux qui essayent d'en braver la frontière. « La mort de Murat Idrissi » devient ainsi le symbole amer de notre incapacité à accueillir décemment ceux qui viennent de « là-bas ». Un roman court, mais d'une vraie puissance narrative ouvrant à réflexion !
Commenter  J’apprécie          10



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}