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Critique de jovidalens


Parce que j'allais voir une représentation théâtrale de "La Chatte..." j'ai, heureusement, relu le texte et découvert par la même occasion "La descente d'Orphée".
Quel texte et quelle pensée, quelle sauvagerie dans la rage et l'appétit, l'angoisse, le désespoir de vivre.

La représentation théâtrale, a été de mon point de vue, une adaptation hors sujet : la première partie, traitée façon théâtre de boulevard (en voilà une conception originale !) et la seconde, dans un ton grinçant.
Supprimés tout ce qui nous ramène à l'absence d'intimité : pas de lieu où échapper au regard, aux oreilles des autres, sauf en devenant un professionnel de la dissimulation. Cette chambre conjugale, joue un rôle principal : c'est un vrai hall de gare. Chacun y déboule quand bon lui semble, sans crier gare, et quand la porte est close, des oreilles épient à la porte, aux murs, les conversations téléphoniques, les cris des enfants., des domestiques envahissent la pièce. La rage d'épier, sous le prextexte de prendre soin de l'autre, de le comprendre, ou de défendre les siens est toujours le moteur de toute action. Et ce plaisir, de coincer l'autre dans une case ! Il faut avoir la rage de vivre et de s'en sortir pour faire table rase des préjugés et conquérir une liberté. de quoi étouffer dans cette maison de verre et de papier où tout se voit, où tout s'entend. Et quand Brick parle de la cage de verre de son métier de chroniqueur sportif ne parle-t-il pas du cadre de sa vie ? Lui aussi est devenu un "regardeur" d'autres qui vivent en pleine possession de leurs moyens physiques et intellectuels. Un regardeur regardé et étiqueté comme ces insectes mis sous verre.
Est-il homosexuel ? "Grande" question ! Qu'est-ce qui l'a cassé ? La mort de son ami d'enfance et, surtout, la prise de conscience qu'il n'aura plus jamais ni la force, ni l'insouciance de sa jeunesse ? Cette femme qu'il a aimé et qui exige de lui qu'il se comporte en adulte ? Ce père qui doit affronter la venue de sa propre mort, cesser de dissimuler sa haine pour sa femme, l'ainé de ses fils, assumer sa préférence pour ce fils alcoolique au charme nonchalant, qui essaie de le fuir, lui, le père, qui a gagné sa toute puissance. Ou bien réalise-t-il qu'il n'a rien fait de sa vie et qu'il préfère se réfugier dans une sérenité d'oubli. Pauvre Brick. Il se retrouve rejeté, abandonné par la mort de son ami, coincé entre cette épouse trop séduisante et ce père carnassier. Faut dire qu'ils se ressemblent le Grand Père et Margareth en grands prédateurs dans la hyénitude de cette famille. Violent et âpre, sans pitiè.

Tout aussi violent et cruel "La descente d'Orphée". Là encore, c'est une société qui s'épie, qui dépéce celles et ceux qui ne leur ressemblent pas. C'est une société qui vit comme dans un fortin interdisant son accès, aux "pièces-rapportées", celle épousée-achetée à laquelle son moribond de mari ne laissera aucune chance de lui survivre pour faire autre chose de SON bien, celle qui se réfugie dans la peinture, artiste dont le talent est reconnu, mais qui préfére s'aveugler de ses visions pour mieux transcender la réalité de la cruauté de son shérif de mari, celui qui seulement armé d'une guitare s'est arrété au mauvais endroit, et puis l'"erreur de la nature", celle qui vraiment n'a rien de commun avec cette famille, cette communauté. C'est surement elle, l'oiseau sans pattes, "il ne peut pas se poser et il passe toute sa vie à planer dans le ciel", et si elle réussit à ouvrir tout grand ses ailes, à devenir "couleur de ciel", alors elle échapera à ses congénères, ces oiseaux de proie qui ne l'attraperont jamais parcequ'ils ne la verront "même pas, au sommet du ciel, près du soleil."

Au fond, cette mauvaise mise en scéne m'a permis de redécouvrir un fabuleux écrivain.
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