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Critique de PhilippeCastellain


Iboo ayant ouvert le sujet du stalinisme, profitons-en pour parler de l'un de ses personnages les moins connus et les plus puissants, qui fut aussi l'artisan de quelques-uns de ses pires crimes : Lavrenti Beria. Homme d'une puissance incommensurable, on sait pourtant peu de choses sûres de sa vie : sur sa mort même il existe trois versions totalement différentes, toutes étayées par des témoins dignes de fois. Un être également terrifiant, que Staline décrivit à Hitler comme « notre Himmler ».

Ce livre, qui fait partie de ses très rares biographies, ne s'appuie donc que sur des témoignages souvent indirects, mais recoupés entre eux. Même si on peut s'interroger sur sa neutralité, il suffit à dresser un portrait plus que convaincant. Naît dans une famille géorgienne pauvre, ce n'est pas comme révolutionnaire clandestin qu'il fait ses premières armes mais comme indicateur de l'Okhrana, la police politique du tsar. A la révolution, il rejoint cependant le parti communiste géorgien. Il s'impose dans la sécurité, se faisant remarquer par la dureté avec laquelle il traite ses prisonniers et la violence des interrogatoires, qu'il mène lui-même. C'est à ce moment que le viol d'adolescentes devient chez lui un véritable passe-temps.

L'ascension de Staline lui fournit une magnifique opportunité. D'abord par le nettoyage qui est réalisé : toutes les figures historiques du mouvement, tous ceux qui ont cru à la révolution sont éliminés. Cela fait de la place pour monter. Ensuite, il faut réécrire l'histoire. Sa spécialité. Sous sa plume Staline, qui n'était alors comme lui qu'un indicateur de l'Okhrana, devient l'âme de tout le mouvement révolutionnaire en Géorgie.

C'est assez pour le faire remarquer. Promu chef du NKVD, il lui est confié la délicate tâche de mener une nouvelle purge pour supprimer… Les auteurs de la purge précédente, au premier rang desquels Nikolaï Iejov, « le gnome sanglant », instigateur des grandes purges staliniennes qui avaient elles-mêmes servies à supprimer… Guenrikh Iagoda, artificier de la purge qui avait suivi la fin de la guerre civile.

A ce poste, il déploie une grande activité et beaucoup d'imagination. C'est lui qui rationalisera les goulags, pour les transformer de machines en tuer à centres de production intensive avec main-d'oeuvre gratuite. Lui qui bâtira l'image du « petit père des peuples » souriants, et le très efficace appareil de propagande. Lui qui élaborera le formidable appareil répressif soviétique. Lui qui développera les réseaux d'espionnages à travers le monde. Lui qui organisera le massacre de Katyn...

In fine, sa puissance finit par représenter une menace pour Staline. Mais celui-ci mourut opportunément, alors qu'il mettait en place un prétendu « complot mingrélien » destiné à faire tomber cet adjoint trop efficace.

Au final, qui fut Beria ? Un homme intelligent, brillant, mais cruel et dépourvu de toute forme de compassion. Un homme qui utilisa les pires moyens pour arriver au pouvoir, et là en profita pour satisfaire ses pires instincts. Un livre plus que très instructif mais très, très éprouvant, réservé aux estomacs solidement accrochés, et qui permet de mesurer la profondeur incroyable et l'étendue du mensonge stalinien.
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