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Critique de LaBiblidOnee


Fascinants et enchanteurs, ces secrets qui se bruissent de branches de chêne à feuilles de hêtres depuis des générations ! Nous promet-on de nous révéler « Ce qu'ils ressentent » et « Comment ils communiquent » et l'on imagine ces géants verts avec un coeur qui palpite ; la forêt s'anime sous nos pas croustillants et cet univers moelleux devient féérique, comme la jolie couverture. La tentation est vive de faire ami-ami avec notre arbre préféré, le prendre dans nos bras - son large tronc rassurant, son odeur envoûtante et sauvage, la douceur de ses feuilles qui nous caressent et ses jolies branches jouant avec nous dans le vent. S'ils nous écoutent et nous parlent, alors nous devrions méditer les conseils que ces vieux sages bruissent à nos oreilles quand le vent les ébouriffe et que la magie opère. Puis contre le réconfort de leurs présence, prêtons aussi attention à leurs bobos : ces trous béants dans lesquelles les chouettes font leurs nids, ces lacérations faites par le chèvrefeuille, ces jolies boules de gui, pompant leur énergie…


Aucun arbre n'est une île. Les racines d'arbres amis s'enlacent en cachette et ne se lâchent plus, même si l'un d'eux est mourant. Ainsi les plus forts maintiennent les plus faibles en vie durant des années ! « les forêts sont des superorganismes » aussi organisés que les fourmilières. On ne peut s'empêcher longtemps de faire le parallèle entre eux et nous : Ils prennent soin de leur communauté ; ils développent des amitiés éternelles, faite de présence rassurante et de soutien ; ils respirent, réagissent aux blessures, tombent malades, saignent, crient, ont besoin de sommeil, aussi - et pourraient même avoir un cerveau ! Leurs grandes silhouettes ébouriffées, drapées dans leur posture sereine, nous ramènent à notre rapport à l'autre et à nous-même, questionnent nos certitudes et supériorité. Je me souviens d'un film magnifique où une étrange épidémie décimait les humains : il s'avérait qu'à force d'être maltraités par eux (pollution, pesticides, etc…), les végétaux avaient développé une défense : une substance qu'ils se communiquaient entre eux et aux humains par le touché et par le vent, et qui se répandait au fur et à mesure que les hommes mouraient… Comme ces acacias qui augmentent leur toxicité lorsqu'ils sont dévorés par les girafes, et préviennent leur congénères voisins en émettant un gaz. Une sorte d'insecticide.


Si au départ on se méfie de la tendance à l'anthropomorphisme, nous avons en réalité énormément de points communs avec cette espèce que l'on maltraite, sous prétexte que, n'étant pas humaine, elle serait inférieure et ne ressentirait rien. Après cette lecture, il est impossible de ne pas frémir à l'idée de ces arbres de plantations, destinés à ne vivre qu'une petite centaine d'années dans un sol pauvre, calibrés pour mourir jeunes ; Ou à l'idée de « ces enfants de la rue » : citadins sans racines profondes, sans famille puisqu'elle est régulièrement décimée, sans contact sous le goudron pour se faire des amis et survivre ensemble. Vie solitaire et triste, qui fait immédiatement réfléchir sur notre façon de vivre et de consommer… « Quand on sait qu'un arbre est sensible à la douleur et a une mémoire, que des parents-arbres vivent avec leurs enfants, on ne peut plus les abattre sans réfléchir ni ravager leur environnement en lançant des bulldozers à l'assaut des sous-bois. » Ça ne veut pas dire qu'il faut arrêter de consommer du végétal ; Mais de même que les animaux commencent à être mieux considérés en tant qu'êtres vivants, il s'agirait d'arrêter de traiter les arbres comme des choses, et de les utiliser de manière raisonnée. La Constitution des Suisses, par exemple, édicte une « obligation de traiter les animaux, les plantes et tout organisme vivant dans le respect de la dignité de la créature ».


Même si ce n'est pas un roman, c'est avec le talent d'un conteur et animé par sa passion que l'auteur nous dévoile la vie secrète des arbres, comme l'annonce cet extrait du sommaire : leurs amitiés, leur solidarité, leurs amours, leurs âges, l'école forestière, les histoires d'eau (!), les avis de tempête, les logements sociaux (tous ces animaux avec qui ils doivent cohabiter !), le monde souterrain, les rapports de force, etc… Un monde palpitant s'ouvre à vous, comme une parenthèse enchantée. Oui, enchantée, parce qu' « il importe aussi d'en conserver le charme et les énigmes. Chaque jour, des drames et d'émouvantes histoires d'amour se déroulent sous le couvert des houppiers, dernières parcelles de nature, à nos portes, où des aventures restent à vivre et des mystères à découvrir. Et qui sait : un jour peut-être le langage des arbres sera déchiffré et de nouvelles histoires s'offriront à nous. D'ici-là, lors d'une prochaine promenade en forêt, laissez votre imagination vagabonder. Il arrive souvent que la réalité n'en soit pas si éloignée ! ».


Certains arbres ont-ils eu une importance particulière dans vos vies ?
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