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Critique de Luniver


Le docteur Martine a déserté lors de la Troisième guerre mondiale pour s'échouer sur une petite île inconnue des cartes. Spécialiste de la lobotomie, et dégoûté des Hommes et de la guerre, il s'intègre dans la communauté résolument pacifiste peuplant l'île, qui n'hésite pas à ouvrir le crâne des habitants un peu trop nerveux. Pendant dix-huit ans, il oublie tout de son ancienne vie, se contentant d'accomplir les rituels antiques avec des instruments médicaux et des méthodes un peu plus moderne. Un jour cependant, des hommes occidentaux débarquent sur l'île. Martine sera bien forcé de faire face à son passé.

Le roman est présenté par son éditeur comme un classique de la dystopie méconnu, préfigurant 1984 ou Fahrenheit 451. On ne peut pas nier des traits communs entre ces romans, mais Limbo contient à mon sens beaucoup trop de défauts pour espérer passer à la postérité.

Le premier défaut, et non des moindres, c'est que l'univers dystopique proposé n'est absolument pas crédible. Dégoûté par la guerre, la population a massivement adopté l'amputation des bras et des jambes, montrant ainsi sa volonté d'en finir une bonne fois pour toute avec la violence. C'est un peu extrême, mais jusque là, si l'auteur montre un bon endoctrinement de la société, ça pourrait passer. Seulement, deux ans après ce mouvement de masse, les amputés reviennent avec des membres électroniques, capables de faire lance-flamme, de scier des troncs, de démolir des murs… tout en continuant à clamer qu'ils ne recherchent que la paix. Pour moi, la contradiction est beaucoup trop évidente et ne passe pas du tout.

Deuxièmement, le livre fondateur de cette nouvelle société n'est pas crédible non plus. . le livre est bourré de passages ironiques du type « Les gens sont tellement abrutis que si on leur demanderait de couper leurs bras pour la paix, ils ne feraient ». Un homme politique vient ensuite en disant « Regardez ce livre, il faut vous couper les bras pour la paix. » et la population de répondre « Cet écrivain est un génie et c'est exactement ce qu'il a voulu dire ! » Je ne suis pas spécialement optimiste sur la capacité des masses à faire face à la propagande, mais encore une fois, c'est un peu gros à avaler.

Plus anecdotique, la vision qu'a l'auteur de la sexualité est assez particulière, et est souvent gênante à lire. Au fil des pages, on tombe sur ce genre d'extraits : « Martine devinait en elle le type perpétuel de la clitoridienne, embourbée depuis l'adolescence dans les préliminaires de la vraie vie sexuelle, pelvis bouclé à double tour et les profondeurs érotiques anesthésiées. » ou « La condition nécessaire à sa satisfaction était de jouer l'homme, d'absorber l'homme, de la châtrer. […] C'était au demeurant une forme spectaculaire de frigidité. Si elle pouvait éprouver la sensation d'usurpation mâle de cette manière, il y avait beaucoup de chances pour qu'elle retombât dans les normes plus traditionnelles, en transférant son centre érotique vagin au clitoris, ce phallus fantôme, laissant croire à son partenaire qu'il s'agissait de l'article authentique... ». Qu'a fait madame pour mériter un tel mépris ? Elle préfère simplement la position de l'amazone à celle du missionnaire…

On sent l'auteur un peu trop coincé dans son époque : on repère trop facilement la guerre froide entre américains et russes, les théories en vogue dans les années où ce livre a été écrit, … Il manque cette capacité à extraire des problèmes universels par lesquels le lecteur se sent concerné des dizaines d'années plus tard. Et dans une dystopie, ça ne pardonne pas.
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