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Critique de LeScribouillard


Lorsque j'avais vu ce livre, je m'étais dit : "Chouette, un mélange des "Salauds gentilshommes" et de "Chroniques du bout du monde" avec une pincée de steampunk". Alors, pourquoi hésiter ? Mais s'il y a eu des points de mon idée d'origine qui ont été confirmés, d'autres en sont extrêmement éloignés. Pour vous montrer à quel point ce livre slalome entre les genres et ce qui m'a paru ou non judicieux avant que j'aie vraiment pu m'y plonger dedans, je vais devoir aller plus loin que d'habitude : normalement, je ne fais qu'une CRITIQUE ; là, on passe carrément à la PRÉSENTATION.

1. LES PERSONNAGES
Je commence par ça parce que c'est ce qui m'a le plus fait tiquer. Chris Wooding nous présente un panel de personnages tous avec des caractères bien différents, sauf qu'il a tendance à les exacerber : Pinn est trop bête, Harkins trop froussard, à tel point qu'ils pèsent sur le reste du récit. Pour autant, si l'auteur peut tomber dans la caricature, il ne fait pas non plus dans la simplicité : le premier a une histoire d'amour qui, bien que ridicule, le fait se sentir coupable lorsqu'il court après les putes, situation qui aurait pu être exploitée s'il avait été un brin plus complexe ; quant au second, c'est expliqué en grande partie suite à un traumatisme de guerre. Et il est paradoxalement un très bon pilote de chasse.
En ce qui concerne Frey, j'avais pensé comme sous-entendu au début qu'il devait s'agir d'un semblable de Locke ; eh bien, c'est le total opposé du héros de Lynch. Il est lâche, sans valeur, pauvre et un plan diabolique ne lui viendrait jamais à l'esprit ; pour autant, est-ce une mauvaise pioche ? Absolument pas du tout : cela parce qu'il n'est pas un bourrin sans âme ni particularité spécifique. Obnubilé par le dirigeable dont il est le capitaine, la Ketty Jay, il préfère le garder que sauver une vie humaine (comme on le verra dès le premier chapitre), lui donnant un aspect possessif et versatile. Et une autre caractéristique importante : lui évolue fortement au fil de l'histoire. (D'ailleurs, j'ai été fortement surpris d'apprendre que l'auteur en avait une suite : à quoi bon faire autre chose que des one-shot quand votre personnage semble avoir terminé ses transformations dès le premier volume ?) D'ailleurs, son passé mouvementé rappelé par flash-backs expliquent pourquoi il est lâche et tellement obsédé par la Ketty Jay (et croyez-moi, rien n'est simple...), tout en le rendant humain.
Dans l'ensemble, donc, c'est plutôt satisfaisant. Ne vous attendez pas à voir des angelots, ni de vraies ordures : on est dans la zone du juste milieu, pour ainsi dire le grimdark, où personne n'est noir ni blanc. Et ça, ça fait 50% du réalisme de votre univers.

2. L'UNIVERS
Un truc qui manque, déjà, c'est la carte. Je sais qu'il y a pas mal d'écrivains qui se révoltent quand on se met à parler de faire une géographie nette pour le lecteur de son univers (avec Joe Abercombie en tête de ligne), mais ça fait toujours du bien de savoir où se trouve tel endroit, par exemple. Après, la géographie étant peu détaillée, le besoin n'en est pas vital, mais étant donné tous les autres pays qui sont cités (entre autres pas mal de mystérieuses civilisations raffinées), j'aurais bien aimé me faire une idée.
L'histoire se passe à 90% dans la Vardia, royaume... pardon archiduché depuis un siècle faisant presque la taille d'un continent où règne un groupe de marchands avec l'ancienne noblesse : la Coalition. Elle se relève depuis quelques décennies de deux guerres l'ayant opposée à une autre nation assez obscure, Samarla qui lui chipait un peu trop d'aérium, l'élément essentiel pour faire voler les dirigeables : comme je vous ai dit, il s'agit de fantasy steampunk.
Il y a en effet un mélange de genres assez conséquent là-dedans, et si vous vouliez que je vous le détaille par le menu, ça donnerait : court intrigue fantasy / fantasy criminelle / steampunk / gaslamp fantasy (si on considère que toute la fantasy steampunk est "gaslamp") / weird west. Eh non, pas vraiment de science-fiction, bien que les différents modèles d'aéronefs soient décrits avec précision, et que le fonctionnement chimique de l'aérium se rapproche énormément de la science. L'invocation des démons est même basée sur l'électricité (excusez, mais c'est la première fois que je vois ce genre de magicbuilding depuis "Légendes du Pays" !). Au final, on obtient quelque chose d'assez harmonieux, oui, même avec l'aspect weird west (western + SFFF) par-dessus. Pourquoi ? Parce qu'il n'est présent que dans l'ambiance qui se dégage du livre, et non pas dans ses éléments (malgré les anglicismes, déjà bien connus du steampunk). Pour vous donner une idée, c'est du "Capitaine Habakouk" en roman de 400 pages.
Cet univers, déjà assez complexe, vient ensuite s'étoffer de camps supplémentaires, dont la secte des Éveilleurs, qui a réussi à détruire les religions antiques pour s'imposer en tant que la seule doctrine qu'il soit possible de suivre. Quand j'avais commencé le bouquin, j'avais craint qu'il s'agisse d'une resucée de l'Inquisition catholique ; mais on est loin de là, car le culte de la Grandâme se rapproche beaucoup plus des superstitions de l'Antiquité, avec la forte présence de divination. Selon le démoniste Crake, toutes leurs croyances ne serait que du pipeau. Et pourtant...
Bref, ce n'est pas un univers complet, mais il est déjà énormément riche et cohérent, et il peut s'agrandir de toutes sortes de manières, étant donné le gros nombre de "portes de sortie" que l'auteur a placées autour de la Vardia.

3. L'INTRIGUE
Tout ça c'est bien joli, mais on en arrive à l'histoire en elle-même, avec la Ketty Jay. Qu'y a-t-il dans ce joli rafiot des airs ? le capitaine Frey et son passager Crake ; avec Silo le mécanicien taciturne, Jez la navigatrice solitaire, Malvery le médecin alcoolique, Harkins et Pinn les deux mitrailleurs de service à bord d'engins volants annexes ; et bien évidemment la fameuse Bess...
Et quand Frey décide de se la jouer enfin pirate, il obtient un renseignement qu'il sent tout de suite véreux. Pourtant, il fait un marché avec Xandian Quail, homme d'affaires malfaisant, et va se retrouver pris dans un tourbillon d'évènements... Même si on ne peut pas vraiment parler de fantasy policière, il y a bien une enquête, et celle-ci va remonter loin. Avec en plus de nombreuses sous-intrigues et des ennemis en tous genres, sans compter les flash-backs et compagnie, bref : à univers riche, récit riche. Et on ne s'y perd pas.

4. LE RESTE
Pour tout vous avouer, le reste n'a pas grand-chose qui mérite d'être relevé : il y a tout de même cette manie dans le style de l'auteur de s'attarder sur les états d'âme de ses protagonistes, quand bien même ça se montre parfois indispensable pour montrer leur évolution. Malgré ça, sa plume reste très "cinématographique" (ce qui ne veut pas dire qu'elle est dénuée de personnalité : elle se fait simplement fluide et immersive, sans jamais se compromettre dans un délire épico-lyrique fleuri). On notera tout de même le détestable manque de relecture, certains détails étant mentionnés plusieurs fois.

Bref, ce n'est pas tout à fait à quoi je m'attendais, mais c'est vite prenant, très bien fait et très bien écrit. le tout avec une couverture superbe dans ses différentes éditions, pas étonnant que ce livre ait été en son temps acclamé par les critiques. Il faudra voir au niveau du tome 2 si ce monde continue à tenir ses promesses...
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