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Critique de DemoiselleLoutre


Yukari est une élève sérieuse, qui se consacre entièrement à ses études, sans pour autant que celles-ci l'intéressent. Elle a tout de la lycéenne normale: quelques amis, des parents qui lui mettent la pression et un crush à qui elle n'a jamais parlé, qui ne semble même pas savoir qu'elle existe.
Un jour, elle se fait alpaguer par un groupe d'étudiants à l'école d'arts Yaz'Arts qui veulent faire d'elle leur modèle, afin qu'elle porte leur création au défilé de fin d'année. Si elle commence par refuser vivement, effarouchée par leur approche, leur manière de parler et leur look (un punk avec ds épingles à nourrice dans le visage, Arashi, une fille qui ressemble à une poupée sentant la fraise, Miwako, une femme fantasque qui est en fait un homme travesti, Isabella, et enfin un prince dandy, Georges), elle finit par réfléchir à leur proposition, et accepte, étrangement attirée par Georges, le leader du groupe, créateur et styliste de leur marque, Parakiss.

Ai Yazawa nous propose donc de suivre l'évolution de Yukari, vite renommée Caroline, ou Carrie, dans le milieu de la mode. Ce thème est cher à l'autrice, et ça se sent: les choix graphiques sont magnifiques, les tenues et les styles très travaillés. C'est un régal à lire, à regarder. On retrouve les visages et les corps typiques de cette mangaka, et un certain nombre de ses thèmes de prédilections. le fait d'avoir ce manga dans un format intégrale est très agréable, car cela permet de le lire d'un bloc, très rapidement, et d'apprécier sans rien oublier, de se délecter de ce dessin splendide et de l'évolution des personnages.
Les histoires d'amour, qui s'entremêlent, sont toujours aussi touchantes, avec des personnages toujours très nébuleux et torturés, assez insaisissables qui donnent aux shojos d'Ai Yazawa tout leur charme.

Cependant, il y a un certain nombre d'aspects qui m'ont pas mal choquée par leur traitement, vu 'aujourd'hui, et vu de France (évidemment, il fait garder à l'esprit que cette publication a 20 ans, puisque publiée de 2000 à 2003, et que le Japon n'est pas la France).
Le premier point qui m'a vraiment dérangée, c'est le traitement d'Isabella. On aurait pu avoir un personnage de femme trans extraordinaire et ... non. Tout le monde sait qu'Isabella est assignée garçon, et y fait référence constamment, la reléguant au stade d'homme travesti. Ca pourrait être ça, sauf que c'est Isabella elle-même qui dit être une femme, et refuse de donner son dead-name. dans le passage où est évoquée son enfance, et son amitié avec Georges, il est dit explicitement qu'elle se considère comme femme. J'ai donc trouvé très dommage la manière dont son personnage était traité, et si le fait d'intégrer un personnage trans est intéressant, ça ne justifie pas e traitement.
Le traitement de la sexualité de Georges m'a aussi un peu surprise. Il est bisexuel et cela semble faire de lui ... un prédateur aux yeux des hommes (et particulièrement selon Arashi), alors même qu'on ne le verra jamais avec des hommes. Jamais cette homophobie latente n'est discutée.
Quant à Arashi, parlons-en ! J'ai trouvé affreuse sa relation avec Miwako, présentée comme le petit truc tout choupinou, tout fragile dont il faudrait prendre soin. Amoureuse de deux garçons, elle finit par renoncer à l'un d'eux pour le second, Arashi, pour des raisons dures à avaler. Leur sexualité est basée sur al pression (lorsque Yukari les surprend dans l'atelier, Miwako dit qu'elle fait ça car Arashi préfère comme ça, manifestement gênée) sur des viols conjugaux (parfois montrés, puisqu'on voit Miwako dire "Non" clairement, et Arashi tout de même passer à l'acte), assumés d'ailleurs (Arashi admet lui-même qu'il force Miwako, et Miwako le dit aussi), et dont les autres personnages sont au courant sans que personne n'alerte sur la toxicité de la relation par exemple. Cela m'a désagréablement rappelé la relation entre Nana/Hachiko et Takumi, avec un viol conjugal pour garder "sa" femme dont tout le monde se fout éperdument.
De la même manière, la relation entre Yukari et Georges est parfois à al frontière de l'agression sexuelle voire du viol (comme dans beaucoup de shojos, on n'est pas tout à fait sûrs du consentement de la partie féminine). de plus il y a tout un questionnement (très patriarcal finalement) autour de la pureté de la femme, de son désir d'indépendance et de sa soumission à l'homme qui font froncer du nez.
Tous ces points m'ont pas mal dérangée, même s'ils sont à remettre dans leur contexte. Je préfère les aborder dans am critique car ils peuvent être pour certain.e.s des points très sensibles et douloureux et je comprends que l'on n'ait pas envie d'être confrontés à ça en lisant un manga pour se détendre.

Mis à part ces points noirs tout de même assez importants, j'ai apprécié ma lecture. J'ai retrouvé des aspects qui m'avaient plu dans Nana, comme par exemple ce point de vue rétrospectif assez mélancolique sur les choses, et des histoires d'amour imbriquées, avec des personnages très sensibles.
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