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Critique de Oliv


Après avoir connu quelques déceptions ces derniers temps, avec des livres qui ne m'ont pas tout à fait offert ce que j'attendais d'eux, je viens de vivre l'expérience inverse avec ce "Guide de survie pour le voyageur du temps amateur". À vrai dire, j'avais repéré ce roman à sa sortie en 2016, celui-ci abordant des sujets susceptibles de m'intéresser, mais je n'en attendais pas monts et merveilles... à tort, car il est allé bien au-delà de mes espérances. Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un roman aussi drôle, mais qui a également la bonne idée de pousser à la réflexion, de faire tourner à fond les turbines de l'imagination, et qui n'oublie pas d'être émouvant...

De quoi s'agit-il exactement ? Le titre à rallonge annonce la couleur : on parlera de voyages temporels. Mais le titre d'origine est peut-être encore plus révélateur : on pourrait le traduire littéralement par "Comment survivre dans un univers de science-fiction". Le narrateur (nommé Charles Yu, donc un avatar de l'auteur lui-même), travaille dans les services techniques de l'Univers Mineur 31, un monde de science-fiction médiocre et laissé inachevé par ses concepteurs, où il est chargé de réparer les erreurs commises par les voyageurs temporels... car si l'on ne peut aller jusqu'à modifier le passé en voyageant dans le temps, on peut néanmoins y semer la pagaille. Dans la fiction inventée par Charles Yu (l'auteur) et décrite par Charles Yu (le narrateur), plusieurs réalités et temporalités cohabitent : par exemple, sa mère s'est réfugiée dans une "boucle temporelle prépayée" qui lui permet de revivre sans cesse une seule et même heure de son existence passée, et les lois de la physique se confondent avec celles de la narration, ce dernier point n'étant pas sans rappeler certains aspects des aventures de Thursday Next par Jasper Fforde, même si le résultat est très différent.

Le roman dans son ensemble est en tout cas inventif et brillant, autant que très référencé et, osons l'admettre, geek. Il faut être un amateur de science-fiction pour comprendre pourquoi des remarques comme : "Les protagonistes sont habilités à s'orienter vers n'importe quel genre littéraire. En ce moment, le steampunk offre des perspectives intéressantes" sont drôles et pertinentes. Le récit présente en outre pas mal de passages de théorie scientifique ou pseudo-scientifique dont je ne suis pas parvenu à déterminer, faute de connaissances suffisantes en la matière, s'ils se contentaient de pasticher les romans et nouvelles de hard-science ou s'ils développaient des concepts sérieux... la vérité se situant sans doute quelque part entre les deux.

Au-delà de l'aspect SF, de "grands thèmes" plus universels parcourent également ces pages, et finissent d'ailleurs par prendre le dessus sans crier gare : l'ambiance farfelue et le ton volontiers goguenard du début cèdent en partie la place à une certaine mélancolie tandis que le narrateur se retrouve confronté à son passé et que ressurgissent les souvenirs liés à son père disparu. Cette rupture, qui pourrait déranger les lecteurs de SF purs et durs, ne m'a pas déplu, au contraire. J'ai aimé Ed, le chien qui n'existe pas puisqu'il a été rayé du script, et l'hilarante TAMMY, le logiciel dépressif pour lequel le narrateur éprouve de tendres penchants, autant que j'ai aimé le père, au destin si touchant d'inventeur dont le génie ne sera jamais reconnu à sa juste valeur. Chose assez rare, je me suis trouvé en phase avec ce roman de la première à la dernière page, songeant au bout du compte que c'est une oeuvre que j'aurais voulu écrire... bien que n'ayant pas la moitié du talent de Charles Yu, dont il s'agit, il faut le noter, du premier roman !

Ce "Guide de survie pour le voyageur du temps amateur" semble être plus ou moins passé sous le radar des amateurs de science-fiction, au moins par chez nous, peut-être parce qu'il a initialement été publié par un éditeur (Aux Forges de Vulcain) qui ne fait pas partie du "Milieu". Espérons que sa récente reprise en poche chez Folio SF lui apporte une nouvelle visibilité et lui donne tout le succès qu'il mérite.
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