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Critique de jg69


Mélissa, une jeune femme au physique quelconque, issue d'un milieu modeste, provinciale diplômée d'une école parisienne renommée "un des hauts lieux où incubent les futures élites" peine à trouver sa place dans sa vie professionnelle. Incapable de s'adapter, de prendre des initiatives, elle est paralysée par la peur d'échouer. Elle n'est à l'aise que lorsqu'elle s'exprime derrière son blog sous le pseudo d'Artémis.

Cette "diplômée déçue et déclassée", qui n'a pas été embauchée à la fin de sa période d'essai, va trouver un petit boulot alimentaire et se lier d'amitié avec une collègue qui va l'entrainer dans une mystérieuse réunion d'un groupe animé par Marc, un leader qui a tout du gourou. Mélissa trouve un sens à sa vie au sein de ce groupe, elle pense que Marc l'a révélée à elle-même, elle se sent son élue "Rien ne compte que réorienter vers elle le regard de celui qui l'a pour ainsi dire créée". Tombée dans les filets de ce gourou manipulateur, elle s'engage dans ce groupe politique aux actions violentes et extrémistes. Jusqu'au jour où, lors d'une action contre les migrants, elle se trouve mêlée à la mort d'un enfant. Au lendemain du drame, Mélissa quitte tout et part pour les États-Unis.

Après un prologue d'une puissance inouïe, Carole Zalberg nous raconte le destin de Mélissa, une jeune femme poussée par son manque de confiance en elle, son besoin d'être aimée, sa fragilité à se corrompre auprès d'un gourou qui attise la haine. Après cette période d'égarement, Mélissa part immédiatement pour prendre du recul. Obsédée par l'image de la femme berçant son enfant sans vie, son enfant mort de froid, elle est accablée de culpabilité, de dégoût et de honte. Commence une période d'errance qui va la mener de New-York à Key West puis en Alaska avec ses ombres sur les talons. "Une cavale, un effacement, une remise à zéro de tous ses compteurs intérieurs". Partie avec son ami Kiki, elle continue seule, jusqu'à ce que le hasard des rencontres l'amène à Jane, une femme lumineuse avec qui elle développe une magnifique relation au-delà des générations. Sa fuite, d'abord expiation d'une faute qui l'obsède, se transforme peu à peu en rencontre avec elle-même, en réinvention et en prise de conscience.

A mots comptés et soigneusement choisis, dans une langue d'une jolie musicalité envoûtante parfois un peu lyrique, avec une lenteur étudiée et une narration qui fait alterner le "je", le "elle " et le "tu", Carole Zalberg trace les chemins et les rencontres qui vont transformer la "Melissa qui était un brouillon", la Mélissa au corps plus souvent consommé que désiré, la jeune femme qui a eu l'impression d'être un "corps outil ", en une femme réconciliée avec elle-même. Une histoire qui se termine de façon lumineuse en Corse la "terre choisie" de Carole Zalberg. J'ai aimé le regard plein de bienveillance que Carole Zalberg porte sur son héroïne dont elle explore avec subtilité et sensibilité la psychologie.

Un roman court mais dense qui porte un regard sur la jeunesse d'aujourd'hui. Une forme d'alerte sur les dérives de la radicalisation, sur le piège du populisme, sur les conséquences des mauvaises rencontres "Tout est faussé par cette guerre incessante de phrases et d'images sorties ensuite de leur contexte, distordues à l'infini, reprises parfois d'un continent à un autre".

PS : le petit enfant mort dans les bras de sa mère avait dix-huit mois, il s'appelait Mehdi.


Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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