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Critique de 3lisabeth6isele


Je rencontre Zola avec ce livre audio et la voix d'Evelyn Lecucq qui a su porter le récit avec douceur et émotion.

Une découverte qui m'a beaucoup surprise pour ses portraits de femmes colorés et variés, traités sans jugement : on pourrait croire que c'est au travers des yeux de Denise, personnage principal du roman, femme de convictions, intelligente, forte mais surtout toute de douceur, que nous les observons. Peu importe la vie que ces femmes mènent tant qu'elles la choisissent et que leurs intentions sont bonnes ; pour une oeuvre écrite au XIXe siècle et par un homme de surcroît, c'est rafraîchissant, bien qu'à tempérer avec certaines tournures de phrases un brin surannées.

C'est au travers de ses yeux aussi que nous découvrons la montée de ce titan né en Angleterre : les department stores, ou nos grands magasins, une fois les ficelles connues des Français, puis, dans le cas de l'enseigne qui a inspiré l'oeuvre (Le Bon Marché), ornées des innovations de Gustave Eiffel. La vie qui grouille dans ce coffret de verre et de fer sous une avalanche de textiles et une abondance toujours renouvelée de marchandises savamment mises en scène est observée, analysée, un rouage après l'autre dans cette machine qui broie les commerces voisins, les "maigres" à la santé des "gras".

Puis le livre ouvre sur une deuxième partie, et les suites d'un accident. Lequel ? Mystère ! J'ai aimé cette taquinerie de l'auteur qui, après une ellipse, fait flotter la question de "comment c'est arrivé ?", question qui tient l'attention du lecteur pendu à toutes les lèvres qui l'évoquent au détour des échanges de ragots omniprésents... mais où cette fois tous les personnages sont trop au courant de ce qu'il s'est passé pour daigner en reparler. Belle inversion des rôles où jusque-là c'était le lecteur qui possédait l'omniscience ! Mais aussi un joli revers où on voit des personnages plus prompts à parler de ce qu'ils ne savent pas que de ce qu'ils savent.

Entre Cendrillon et la Belle et la Bête et épais de la multitude des thèmes abordés,on regrettera que l'air du temps de Zola n'autorise qu'une seule fin heureuse à des héroïnes comme Denise ou Jane Eyre. Vous devinez laquelle. Mouret, comme Rochester, ne paie pas assez pour la fondation du Bohneur, Babel de la vente, cette plaie d'Égypte jetée sur les petits commerces ; que l'enseigne lui survive, bien sûr, mais qu'une fois la machine lancée il finisse sous les dents de l'engrenage... pourquoi pas ? Tout l'entourage de Denise, issu du vieux commerce, paie quand Mouret se voit récompensé de Denise, quand bien même l'auteur voudrait faire du patron la récompense, bien piètre d'ailleurs quand il montre son absence d'évolution profonde par les "Je veux !" dont il réclame Denise.

Je ne résume pas le livre à sa fin dissonante : il me laisse une bonne impression, pour avoir ouvert la porte sur le monde à la fois si familier et désormais un peu étranger des premiers grands magasins, à une époque où c'est au patron d'assurer loisirs, santé et culture à ses employés... s'il le souhaite.
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