AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Biblioroz


En entrant dans Germinal, c'est un vent glacial qui nous saisit instantanément tout en nous plongeant dans une noirceur environnante sinistre. Une nuit où le ciel et le sol se confondent dans le même noir. Comme unique touche de clarté, trois feux brûlent sur un terri.
Y aurait-il du travail pour le jeune fils de Gervaise, Étienne Lantier ? Trouvera-t-il à Montsou du pain à manger ? Ce n'est qu'une grande misère alentour et le travail manque et manque encore.

Ici, la fosse donne le pain mais mange son homme.

Chez les Maheu, à quatre heures du matin, on ressent le dur réveil de Catherine, encore pleine de ce sommeil si douloureusement interrompu. Elle doit réveiller tout son monde, faire passer le café sur le marc de la veille et teinter les tartines du peu de beurre restant. Et puis, dans des vêtements bien trop légers qui la laissent grelottante, partir à la mine avec les autres. Fluette et anémique, elle n'a que quinze ans et descend sous terre depuis déjà des années…

Et Zola, avec ses mots qui étourdissent, nous décrit la bête dévoreuse d'hommes. Les cages chargées de berlines de charbon qui sortent de la fosse après avoir descendu sa fournée de main d'oeuvre engloutie dans les ténèbres. Nous montre, du moins au début, que ces hommes et ces femmes sont tout de même satisfaits d'avoir « du travail à crever ». Nous oppresse, tellement ses phrases sont empreintes de réalisme, dans les galeries qui s'étrécissent. L'air manque, l'écrasement de la mine est forte en attaquant la houille dans ses profondeurs.
Puis les galeries se vident de tous les mineurs grelottant après les sueurs du travail et rentrent chez eux où l'odeur de l'oignon frit remplace celle de petits plats mijotés. Parce que la pénibilité de ce travail de forçat nourrit bien chichement ces familles miséreuses.

Qui mieux que Zola peut nous entraîner dans un mécontentement grandissant qui suinte de cette mine ? Il nous agrippe pour ne plus nous lâcher dans cette fièvre née d'un besoin crucial d'une évolution sociale. Nous introduisant dans la famille des Maheu, il nous précipite au milieu des cancans et des coups du sort dans la détresse ouvrière de l'époque.
Tout est horriblement saisissant dans ce roman qui crie la misère, l'injustice, la lutte douloureuse et même meurtrière pour remplir des ventres vides.
Noire est la tristesse du coron, noire comme la fine poudre de charbon qui recouvre les corps, les sols et les poumons. Rouge sera la colère attisée par Étienne qui s'exaltera peu à peu de sa popularité.
S'appuyant comme toujours sur son dossier préparatoire minutieusement documenté, Zola intègre dans Germinal d'innombrables pièces qui ne donnent aucun répit au lecteur. Un lecteur qui tente de se débattre dans cette pauvreté noirâtre et cette exploitation sociale du peuple travailleur.
La crise industrielle videra encore les assiettes, il faudra se prostituer pour avoir crédit chez l'épicier, alors que non loin de là les patrons, dans leur insensibilité et leur égoïsme, restent aveugles à la détresse et ne se préoccupent que de leurs dîners divinement garnis. La femme du directeur s'étonne même de l'ingratitude de ces familles pourtant si bien logées et chauffées au frais de la Compagnie !
Dans toute cette misère l'auteur accentue peut-être un peu trop sur le côté bestial de l'amour, unique possibilité d'évasion de ce monde de faim et de souffrances. Heureusement qu'il vient contrebalancer cette insistance en nous offrant, dans l'ombre des violences d'un autre prétendant, l'amour muet, tendre et protecteur d'Étienne et Catherine.

Quelle immense tristesse toute cette peine pour demander une petite part de bonheur !
Enfin, tout ceci pour dire que Zola nous fait tragiquement et superbement entendre ce cri déchirant qui réclame du pain. C'est, une fois de plus, magistral, et le mot est presque faible.
Commenter  J’apprécie          494



Ont apprécié cette critique (49)voir plus




{* *}