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Critique de Flaubauski


Il m'aura fallu attendre le quinzième tome des Rougon-Macquart - et je peux retirer La bête humaine des suivants, déjà lu et franchement apprécié -, pour émettre mes premières réserves sur un roman de Zola.

En racontant la plaine de la Beauce, entre Châteaudun et Chartres, par l'intermédiaire d'un petit village comme il en existait beaucoup à l'époque, le romancier fait le choix, comme à son habitude, de nous décrire le monde paysan dans son quotidien le plus banal et le plus cru, des batailles d'héritage qui morcellent la terre de génération en génération, rendant les arpents de plus en plus maigres, à l'arrivée galopante de l'agriculture mécanisée, de masse, qui connaît ses premières réussites aux Etats-Unis, et qui sonne tragiquement le glas de l'agriculture telle que pratiquée en France sous peu. Comme toujours, en somme, une description des travers du progrès qui ronge à petit feu la vie des plus petits, ceux qui ne vivent que par et pour la terre, ici, avec en toile de fond, en fin de roman, la guerre contre la Prusse qui ajoute une part d'ombre au destin déjà bien sombre des campagnes.

Comme pour Au bonheur des dames, ce n'est pas l'un des membres de la famille Rougon-Macquart qui sera central, mais cette fois une famille, les Fouan, qui vivent de la terre depuis des siècles, et dont le père, trop âgé pour travailler, décide de partager ses biens à ses trois enfants, Fanny, Buteau, et Jésus-Christ, avant sa mort. Cette décision sonnera le glas, aussi, de la famille, qui usera des pires stratagèmes, plus ou moins tragiques d'ailleurs, pour chacun obtienne mieux que le reste de la fratrie, poussant au vol, au mensonge, au crime. Jean Macquart, frère de Gervaise et de Lisa, d'abord menuisier, parti aux campagnes d'Italie, revenu pour se faire valet de ferme, ne sera qu'une pierre dans l'édifice de cette ruine familiale, puisqu'il n'est qu'un étranger à la terre, celui qui vient de Plassans, celui qui a vécu à la ville, celui qui ne peut comprendre cette terre qu'il tente, tant bien que mal de faire sienne, tout comme Françoise, nièce du père Fouan. Et finalement, c'est, encore plus que les Fouan, la terre qui est centrale, qui décide, par sa possession, par les aléas climatiques qui lui permettent, ou pas, de s'épanouir, de la vie et de la mort de ceux qui la cultivent.

L'on pourrait se demander, après tout ce que je viens d'énoncer, ce qui a bien pu me déplaire dans ce tome : et bien c'est le trop plein, de violence, d'inhumanité, de barbarie... que nous dépeint le romancier dans ce monde agricole qui est, pour une fois, la goutte d'eau qui fait déborder le vase. L'on n'y croit peu, et l'on ressent, et tout cas je l'ai personnellement ressenti, pour la première fois, une certaine forme de méchanceté, de mépris, de dégoût derrière la peinture qui se veut réaliste du monde décrit, à qui ni l'auteur, ni Jean - qui est l'un des rares membres des Rougon-Macquart à ne pas avoir de violente tare - ne fait de cadeaux, qu'ils jugent terriblement, sans laisser à aucun moment l'idée d'un certain déterminisme social, culturel, qui expliquerait les raisons du comportement immoral présenté, d'ailleurs présenté franchement à outrance - tous boivent à longueur de journée, se troussent derrière les bottes de paille, sont prêts à trahir ou voler leurs prochains pour rien ou presque, et j'en oublie...

La terre est, à mon sens, un roman qui ne remplit pas du tout les objectifs naturalistes que s'était fixé le romancier - il y a toujours eu des entorses aux objectifs, ne serait-ce que par la plume, souvent peu objective, mais le fond le restait toujours à peu près -, qui décrit à charge, plutôt virulente, voire haineuse, le monde paysan, qui met mal à l'aise, d'ailleurs, de ce fait.

J'espère ne pas avoir de nouvelles mauvaises surprises à la lecture des quatre tomes restants.
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