Deux narrateurs se partagent ce récit surprenant et qui met mal à l'aise le lecteur. le premier, en italique et raconté à la troisième personne, narre la fuite d'un homme qui se sait atteint d'une maladie incurable. S'interrogeant sur le sens de sa vie, il décide de sauter d'un train et de se laisser mourir en pleine nature. le deuxième récit entrelacé au premier, en romain et à la première personne, est celui d'un homme ordinaire et de son ami, partis pécher lorsqu'ils voient cet individu étrange et atterré. de là, de cette rencontre simple, naît une histoire tragique et incompréhensible.
Car le fuyard, d'abord interloqué devant la présence de deux hommes, décide brusquement de fuir : il fuit toute question, toute tentative de le faire revenir en arrière, vers la raison, et vers un espoir auquel il ne croit plus. Mais les deux hommes, le voyant courir de toutes ses forces, se décident à lui venir en aide en lui courant après, pour lui assurer leur soutien, leur compassion car ils comprennent à demi-mot le désespoir vécu. Ce que le fuyard ne comprend pas. La fuite se poursuit ; les deux hommes s'épuisent, s'agacent de cette course inutile, sans but, et en viennent à penser que cet homme qu'ils pourchassent est responsable de leur labeur. La course devient agressive, d'autant que des inconnus la rejoignent : un garde-chasse persuadé de reconnaître un criminel, des marcheurs persuadés que la poursuite est légitime.
Tous, avec hargne, veulent retrouver et faire payer à l'homme une course qui s'éternise tandis que lui semble infatigable. C'est que de son côté, il passe par toutes les émotions : désespoir et énergie surnaturelle pour échapper à ses poursuivants, bonheur de vivre et nouvel espoir qui décuplent les forces. Décidé à vivre, il communie avec la nature, seule à même de le sauver : les racines, les herbes, les simples sont salvateurs et comestibles, pense-t-il. Il en meurt, heureux, la bouche pleine de terre, au moment même où la paix l'a définitivement enveloppé. le cri qu'il a poussé juste avant, dans un grand élan de joie et d'amour de la vie, a surpris ses poursuivants, brusquement rappelés à la raison, à leur colère injustifiée, et à leur honte de s'être pris d'une telle haine pour un étrange inconnu.
Ce court roman, ou cette nouvelle plutôt, est terrible dans sa représentations des relations humaines, dans le désespoir d'un homme incompris, incapable de dire son désarroi et de ces poursuivants formant foule, tout juste bons à contraindre un individu qu'ils jugent étrange et donc forcément coupable, qu'ils ne comprennent pas et qu'ils accusent de leur incompréhension.
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