AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Mirabeelle


Bell Hooks n'est pas aussi connue qu'elle devrait l'être, particulièrement en France. Figure emblématique de l'Afro-féminisme aux Etats Unis elle publie différentes théories féministes se basant sur l'intersectionnalité et la convergence des luttes. Loin du féminisme blanc et petit bourgeois elle met en lumière les questions de racisme, d'orientation sexuelle et de classisme intrinsèquement liés à la domination masculine.
Son livre « de la marge au centre » est particulièrement intéressant car Bell Hooks tente de redéfinir ce qu'est la sororité. Elle étaye ses propos en s'appuyant à la fois sur des extraits publiés par d'autres essayistes féministes ainsi que sur ses expériences personnelles. Pour Bell Hooks et bien d'autres il ne s'agit pas simplement d'affirmer que nous sommes toutes des soeurs et qu'il est impossible d'être en désaccord avec l'une d'elles. Comme si le fait d'être victimes des mêmes oppressions était notre seul point commun alors que nous pouvons nous rassembler autour de convergences plus fortes et valorisantes. Elle écrit très justement : « Les femmes n'ont pas besoin d'éliminer leurs différences pour se sentir solidaires les unes aux autres. Nous n'avons pas besoin de partager une oppression commune pour toutes lutter contre l'oppression. Nous n'avons pas besoin de haïr le masculin pour nous rassembler et nous lier, tant les expériences, les idées et les cultures que nous avons à partager entre nous sont riches et vastes. Nous pouvons être des soeurs liées par des intérêts communs et des convictions partagées, unies dans notre appréciation de la diversité, unies dans notre lutte pour mettre fin à l'oppression sexiste, unies dans la solidarité politique. »
L'autrice développe l'idée qu'être féministe ce n'est pas uniquement combattre pour l'égalité sociale avec les hommes (irréalisable temps qu'il existera des dominations, quelles qu'elles soient) mais bien lutter contre l'oppression sexiste sous toutes ses formes.
Pour exemple Bell Hooks explique que bien que les premiers mouvements féministes visibles aux Etats-Unis aient été portés par des femmes blanches issues de classe moyenne ou supérieure, il ne faut jamais oublier qu'une femme blanche possède des moyens d'oppressions racistes au même titre qu'un homme noir pourra exercer sa domination sur une femme. Tandis que pour les femmes dites « racisées » le patriarcat ne prévoit aucun moyen de domination ou d'émancipation, elles sont donc en proie à toutes les formes d'oppressions (la classe s'y ajoutant souvent).
L'auteure aborde aussi la question du radicalisme et en quoi il est essentiel dans la lutte féministe car le but est bien révolutionnaire et non simplement réformiste. On verra d'ailleurs que certaines réformes qui avaient pour but l'émancipation des femmes finissent par servir le capitalisme et par conséquent desservir la cause (l‘exemple de la légalisation du divorce qui jeta les femmes sur le marché du travail créant ainsi une main d'oeuvre précaire et docile est frappant). Nous préciserons bien sûr que ces réformes ont toujours fait progresser le niveau de vie des opressé.e.s mais sans jamais modifier fondamentalement la société et ses moeurs.
Dans cet ouvrage presque autant d'idées que de pages, de quoi faire trembler les lignes de nos esprits. L'écriture est humble, la lecture douce et agréable, c'est dorénavant l'un.e des auteur.e.s qui ne quittera plus mon chevet ni mon coeur. Mon exemplaire de « de la marge au centre », aujourd'hui marqué, plié, aux paragraphes soulignés et aux numéros de pages entourés sera mon ancre dans le tourbillon d'idées et de concepts auquel le monde actuel nous expose chaque jour un peu plus violemment. Alors qu'on a attendu trente années la traduction française de son oeuvre (en écriture inclusive !), une chose est sûre c'est qu'il n'est jamais trop tard pour lire Bell Hooks.
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}