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Critique de legoergosum


De 1872 à 1890, Vincent van Gogh n'a cessé de correspondre avec son frère Théo. Des lettres innombrables, sans doute près de 900, qui tour à tour, peuvent être empreintes de sa passion pour l'art, ou très matérialistes, voire triviales ... On y trouve cette sensibilité si particulière de l'artiste, mais aussi ses angoisses, ses doutes. On y voit poindre aussi un manque d'estime de soi qui sera récurrent.
"Tout le temps que je travaille, j'ai une confiance illimitée dans l'art et dans ma réussite, mais dès que je suis surmené physiquement ou aux prises avec des difficultés d'argent, j'éprouve moins intensément cette foi et je me retrouve en proie à un doute que j'essaie de vaincre en me replongeant derechef dans le travail."
Théo sera, à sa façon, son thérapeute . En s'ouvrant sans retenue à son frère cadet , Vincent prend conscience de ses difficultés matérielles et psychiques , de cette dépendance aux autres, au confort , à l'argent, à la reconnaissance, qui sont autant de signes de faiblesse chez cet homme tourmenté. Sa créativité est freinée par un fatras de détails de la vie quotidienne qui l'empêchent de s'épanouir pleinement dans son art. Vincent est un éternel insatisfait, comme tant d'artistes ; Théo a les pieds sur terre : l'échange devrait aider l'artiste. Mais cette "psychanalyse épistolaire" aura ses limites. Peu à peu, mais inexorablement, Vincent voit sa santé mentale se dégrader. Le pire, c'est qu'il en est conscient, il note ses progrès, comme ses récidives, avec une rare lucidité. Est-ce que sa peinture en pâtit ? Oui et non. Aujourd'hui, nous sommes tentés de dire non. Les toiles réalisées à St Rémy, où il fut interné, sont éblouissantes. La folie serait-elle le signe du talent de l'artiste ? Van Gogh se trouve des précurseurs ... Il vit avec ses crises, il semble "positiver". Mais sa fragilité est bien là, toujours.
Dans ce qui est peut-être son ultime lettre, celle qu'il avait sur lui le jour de sa mort, il dit : "Eh bien, mon travail à moi, j'y risque ma vie et ma raison y a fondré (fondu ? ) à moitié...".
Sans doute torturé par ce dilemme : que l'art puisse -et doive, pour que l'artiste vive- être aussi une marchandise, Van Gogh n'a jamais pu se débarrasser de ses démons. Même son frère, le socle sur lequel il s'appuyait à travers ses lettres, n'y aura pas réussi.
Si l'on aime l'oeuvre de van Gogh, si l'on est touché par son parcours atypique (pensons au film de Pialat interprété par Jacques Dutronc), il me semble important de compléter le portrait de l'artiste par la lecture de "Lettres à son frère Théo". Magnifique, comme du van Gogh !
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