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Les parfums du pouvoir

Série de 2 livres (En cours). Écrite par Christophe Mot (1), Éric Corbeyran (1),


Dernières critiques
Les parfums du pouvoir, tome 2 : Secrets de..

Mais l’inexpérience n’est pas une excuse.

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Ce tome fait suite à Les parfums du pouvoir, tome 1 : Le piège indonésien (2020). Son édition originale date de 2022. Il a été réalisé par Éric Corbeyran & Christian Mot pour le scénario, par Fabio Iacomelli pour les dessins, par Jean-Paul Fernandez pour la couleur, et l’illustration de couverture a été réalisée par Aurélien Morinière. L’album compte cinquante-quatre pages de bande dessinée.



Canne, devant la plage, à l’intérieur d’une des grandes salles du Majestic, un responsable de la Maison Destainville s’adresse aux dizaines de personnes installées à des tables rondes. Il commence par dire Merci à toutes et à tous d’avoir répondu aussi nombreux à leur invitation ! Il connait personnellement la plupart d’entre eux, car ce n’est pas la première fois que la Maison Destainville leur présente un parfum d’exception. Il sait qu’une même passion anime les colonnes de leurs magazines, les plateaux de leurs émissions et les pages de leurs blogs. Il sait que les enseignes qu’ils représentent ont toujours été fidèles à la Maison Destainville… Et il espère qu’une fois encore ils partageront son excitation pour la naissance de ce nouveau bébé ! Ce dernier né n’est rien de moins que le nouveau pilier de l’offre olfactive de la marque. Ils ont de grandes ambitions pour lui ! Afin qu’il puisse exister pleinement, Destainville va investir fortement, car il répond aux attentes de la jeunesse. Et notamment de la jeunesse asiatique, dont chacun sait que la demande est chaque année plus importante ! Tout à l’heure, Marie Denoyelle, la responsable marketing, et Max Guang, le créateur, viendront leur dire quelques mots. Mais pour l’instant place au superbe film publicitaire réalisé par l’agence Astéroïde !



Après la diffusion du film publicitaire montrant des jeunes femmes nues humant la fragrance de Grain d’Azur, Max Guang prend la parole pour présenter sa composition de parfum : Le vétiver et la lavande sont deux plantes qui se développent à des milliers de kilomètres de distance l’une de l’autre. La première pousse dans les zones tropicales du globe. On l’appelle Khus Khus dans certaines régions de l’Inde. C’est une racine boisée, épicée, racée… Il l’a choisie comme note de cœur pour sa subtilité. La seconde abonde en Provence, à deux pas de chez la Maison Capella. C’est son éclat qui l’a conduit à l’utiliser comme note de tête. Le mariage de la lavande et du vétiver est improbable et pourtant, comme ils pourront s’en rendre compte, il est la définition même de l’harmonie. Quant à l’ambre gris, il s’agit d’un produit rare. On ne peut pas le cultiver. On ne peut qu’en rêver ou avoir la chance de tomber dessus. Grâce à la maison Capella, il a eu le privilège de travailler cette matière exceptionnelle dont l’intensité et la chaleur ramènent à l’animalité. Cet ambre gris, il l’a choisi comme note de fond de Grain d’Azur. Après son intervention, Marie Denoyelle reprend la parole pour inviter les participants à déguster le délicieux cocktail dînatoire que propose Potel & Chabot.



En entamant ce deuxième tome, le lecteur sait exactement ce qu’il va y trouver, dans la droite lignée du premier. Une lecture de genre : une riche famille propriétaire d’une grosse entreprise, dirigée par le père vieillissant, avec des alliances et des intrigues, des coups en traître pour être calife à la place du calife, et des moments difficiles pour l’entreprise. En effet, la santé du patriarche s’avère vacillante, les ambitions de sa progéniture et la concurrence produisent les conflits correspondant aux conventions du genre : les tractations pour promouvoir son produit, le réseautage pour faire aboutir des propositions et emporter des contrats sur la concurrence, les tensions et les emportements et autre fâcheries au sein de la fratrie, les histoires de famille et les rancœurs, les secrets de famille et les non-dits, le luxe et la débauche, un comportement de classe dominante vis-à-vis de simples employés, et une forme de traditionalisme un peu réactionnaire et protectionniste. Ces facettes se trouvent exacerbées par le changement d’artiste, le nouveau dessinateur réalisant des images plus propres sur elles, avec une sorte d’élégance glacée, évoquant les magazines people.



De ce point de vue, le lecteur éprouve une forme de contentement immédiat, avec un produit conforme à son horizon d’attente. Dans le même temps, la première page atteste qu’il y a plus qu’une recette éprouvée réalisée par des artisans qui viendraient cachetonner. La première case occupe un tiers de la hauteur de la page, et toute sa largeur : une magnifique vue du Majestic, de sa plage, et des immeubles du front de mer en arrière-plan. S’il y est sensible, le lecteur peut remarquer la qualité de la précision dans la représentation des différents bâtiments : la promenade du front de mer avec les parasols et les tables de restauration protégées par un petit toit pyramidal, la façade caractéristique de l’hôtel Carlton, la luxueuse villa de la famille Capella, son immense salon, sa belle terrasse, sa piscine, une vue de la vieille ville de Grasse avec l’église Saint-Laurent-de-Magagnosc, la belle terrasse d’un café à Grasse, la piste d’atterrissage de l’aéroport de Nice-Côte d’Azur et l’intérieur, différents bureau de la Maison Capella, le laboratoire du nez Noël Debruge, la plage de Nice et ses bâtiments de front de mer, les usines Capella et leurs extracteurs, etc. La précision des dessins fait parfois penser à l’usage d’un logiciel de modélisation pour un rendu clinique et précis. Une fois son attention attirée par les détails et la finesse d’exécution, le lecteur note les bateaux dans la marina de Cannes, les petits fours impeccablement alignés dans une perspective, le modèle de la Mercedes décapotable, les bandes jaunes et noires pour délimiter les circulations dans l’usine, la 2CV sur l’autoroute, les différentes œuvres d’art au mur chez les Capella, le modèle réduit de voilier sur le manteau de leur cheminée, le tableau d’Henri Matisse dans la salle de réunion du comité de direction. Il se rend compte que l’artiste représente avec la même minutie les différentes fleurs : patchouli, pavot, rose centifolia.



Dans ce monde décrit avec un œil froid auquel aucun détail n’échappe, les personnages se détachent comme étant plus vivants, même s’ils sont représentés dans un registre esthétique similaire, avec le même souci de la précision pour les tenues vestimentaires, une direction d’acteur naturaliste avec parfois des poses un peu étudiées, un travail très sophistiqué sur la mise en couleurs pour ajouter un peu de relief et de teinte sur les visages et les mains. L’effet produit peut ne pas être du goût de tout le monde, un peu froid, au point que la séduction des trois jeunes mannequins du spot de pub pour le parfum Grain d’Azur apparaît artificielle et elles apparaissent trop parfaites, trop cambrées dans leur façon de bouger pour être vraiment séduisantes, neutralisant toute forme d’érotisme. Les auteurs se montrent assez facétieux et même moqueurs dans ce passage, le flacon surgissant de l’océan, bien dressé vers le ciel pour une métaphore dont la finesse fait défaut. Ces caractéristiques visuelles induisent que les comportements sont aussi factices que l’apparente beauté de surface et les comportements très policés qui ne parviennent pas à faire illusion quant aux motivations profondes intéressées et égoïstes.



C’est donc reparti pour une lutte intestine afin de s’approprier la place laissée vacante par le patriarche. Les coscénaristes ont ainsi construit leur récit, que le lecteur prend parti pour Pierre-Jean Capella, le seul héritier qui semble avoir vraiment à cœur les intérêts de l’entreprise familiale, avant les siens, et qui tente d’aider son paternel de manière désintéressée, par comparaison avec les autres membres de la famille surtout focalisés sur leur propre intérêt. Toutefois, ce fils fait l’aveu à son épouse Victoria qu’il se trouve lâche : finalement le potentiel retour de son père constitue la solution de facilité dans laquelle il n’a pas à s’imposer face à ses frères et sœurs. Il se voit contraint de fouiller un peu dans la vie privée de son père et il découvre des choses qu’il ne soupçonnait que ce soit sur sa vie privée, ou sur les petits (et parfois gros) arrangements qui ont permis de d’étouffer des affaires scabreuses pour le bien du développement de la maison Capella. Paul Capella explique à sa bru Victoria que : En l’absence de nouvelles Terræ Incognitæ à conquérir, le business est devenu la seule aventure moderne qui vaille le coup d’être vécue, un chef d’entreprise se doit d’être un véritable aventurier. Le lecteur constate avec Pierre-Jean qu’on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs.



Par comparaison avec le premier tome, le lecteur fait le constat que les intrigues familiales gagnent en substance, car elles peuvent s’appuyer sur ce qui a été exposé et établi dans le premier tome. Chaque stratégie et chaque alliance obligent les personnes concernées à accepter des compromis, à transiger avec la morale et avec ses principes. La pureté ne résiste pas à l’aventure capitaliste, mais d’un autre côté l’ambition personnelle et les compromissions qui l’accompagnent se retrouvent au service de l’entreprise familiale, lui fournissent l’énergie requise pour affronter les difficultés et croître. Dans ce tome, les auteurs intègrent également plus d’aspects techniques relevant de l’industrie des parfums : la promotion d’un produit, le rôle des consultants indépendants intermédiaires entre certaines marques et certains parfumeurs, l’art de composer un parfum selon Edmond Roudnitska (1905-1996), la note de tête et la note de cœur, la note de fond, le jus, la concrète (pâte correspondant au parfum à l’état solide). Dans le premier tome, ils évoquaient la question des parfums de synthèse, dans celui-ci ils mettent en scène une culture locale de la rose Centifolia, et l’enjeu de revenir à des méthodes traditionnelles.



Le lecteur s’attendait à une suite prévisible, dans la lignée du tome un. Dans un premier temps, il peut être un peu déconcerté par le nouveau dessinateur, avec des images très propres et une apparence très lisse, mettant en œuvre un nombre certains de clichés chic dans la représentation des personnages et des milieux dans lesquels ils évoluent. Progressivement, il apprécie la précision méticuleuse des représentations, leur consistante, le comportement adulte des personnages et leur faillibilité, la tension grandissante dans leurs affrontements feutrés et leur pragmatisme. L’intrigue et sa narration gagnent en consistance et en nuance.
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Les parfums du pouvoir, tome 1 : Le piège ind..

FiFi award du meilleur flacon… Il n’y a pas de quoi pavoiser non plus !

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Ce tome est le premier d’une série indépendante de toute autre. Il est initialement paru sous le titre de La maison des fragrances en 2020. Il a été réédité sous le titre de Les parfums du pouvoir en 2022, à l’occasion de la sortie du tome 2. Il a été réalisé par Christophe Mot & Éric Corbeyran pour le scénario, par Piotr Kowlaski pour les dessins, Cyril Saint-Blancat pour les couleurs, et Viktor Kalvachev pour la saisissante couverture de l’édition de 2020. Il comporte cinquante-quatre pages de bande dessinée.



Quelque part sous les tropiques, sur une plage paradisiaque, un homme, en tong avec une chemisette hawaïenne grande ouverte, lance un bâton, et son chien Fidji s’élance pour aller le chercher. Au lieu de le prendre dans sa gueule, il se met à gratter le sable, et il déterre un bloc gris. Ernesto le félicite. Il rentre chez lui avec ce beau bloc d’ambre gris et il téléphone à son commanditaire. Il lui annonce qu’il s’agit d’un bloc de cinq kilos et demi, ça faisait longtemps que Fidji n’avait pas déniché un bloc d’ambre gris de cette taille. Il annonce le prix : quarante mille euros. Son interlocuteur s’exclame : tout ça pour du vomi de cachalot. Il faudra que Ernesto lui explique un jour comment il dépense tout cet argent dans son coin perdu au bout du monde. Il ajoute qu’il sera payé dès réception de sa facture, comme d’habitude, et qu’il peut garder le bloc au frais pour le moment. Il préviendra Ernesto quand il en aura besoin. Ernesto raccroche, et il enveloppe le bloc dans un chiffon, puis va le ranger dans un réfrigérateur qui en contient déjà une quinzaine. Puis il s’allume une cigarette roulée à la main et va la savourer confortablement calé dans un fauteuil à bascule sur sa véranda.



La nuit à Monaco dans un palace, une escort-girl frappe à la porte d’une chambre. Y ayant été invitée, elle rentre à l’intérieur où l’attend un vieil homme avec un masque blanc dissimulant son identité, appréciant qu’elle soit à l’heure. Le petit supplément de la professionnelle est sur la table de nuit avec son cadeau habituel. Ils passent au lit, où elle le chevauche dans la position de l’Andromaque, et elle s’active. Claude Capella fait un malaise, et la dame appelle les secours. Au sein du laboratoire de la maison Capella, Ester Capella fait sentir à deux laborantins la nouvelle préparation. Ils commentent : bouquet de rose et de jasmin sur fond oriental légèrement vanillé. Le technicien continue : on le croirait poudré, mais paradoxalement ça reste très frais, vaguement ambré. La technicienne poursuit : un peu épicé aussi par une caresse de gingembre et de patchouli. Noël Debruge, le parfumeur de la maison Capella, entre dans le laboratoire, demandant à Ester ce qu’elle fait là. Elle explique qu’elle s’occupe de la commande Chambleau, et elle lui fait sentir la préparation. Il se montre très critique : un vrai jardin botanique là-dedans. Il estime qu’il faudra encore quelques milliers d’essais et ça devrait être pas mal. Il lui demande si elle a une idée du prix du marché pour la rose Centifolia. Avec un montant pareil, elle ne pourra en mettre que 0,001%, voire moins. Autant dire rien.



Une magnifique couverture, pour la première édition, avec des couleurs chaudes et une composition sophistiquée : cette femme dans un flacon, le sol décoré par les trajectoires d’avion de ligne, et une assemblée d’hommes et de femmes de l’ombre en arrière-plan. Par comparaison, la couverture de l’édition de 2022 apparaît bien sage, même si elle est plus explicite. Il ne faut pas longtemps au lecteur pour saisir le genre du récit, même s’il n’a pas lu le texte de la quatrième de couverture. Les auteurs racontent une saga familiale, avec comme élément original le fait que leur fortune provient de l’industrie du parfum. Corbeyran est familier du genre, que ce soit comme scénariste seul avec la série Châteaux Bordeaux avec le dessinateur Espé, ou en collaboration avec une autre scénariste pour la série Le Maître Chocolatier, tome 1 : La boutique avec la coscénariste Bénedicte Gourdon et le dessinateur Chetville (Denis Mérezette). Les conventions du genre règnent en maître : une riche famille, des coups bas entre eux, le patriarche grand entrepreneur ayant fondé l’entreprise qui se retrouve écarté des affaires, les enfants qui se disputent pour la succession, les épouses et époux plus ou moins fiables, les petits-enfants qui n’ont pas la place d’exister, le scandale public, les menaces économiques pouvant provoquer la chute du chiffre d’affaires de l’entreprise, et la ruine de la famille, sans omettre les lieux luxueux et les voyages au bout du monde.



L’artiste avait déjà travaillé avec Éric Corbeyran, en particulier sur la série Badlands et avec Joe Casey pour la série Sex. Il réalise des dessins dans un registre réaliste et descriptif avec un niveau de détails élevé et des traits de contours fins, parfois un peu cassants, parfois un peu secs, ce qui apporte une petite impression de dureté en cohérence avec la dureté du monde des affaires. Il impressionne le lecteur en se montrant très investi dans la représentation des environnements quelle qu’en soit la nature : le calme de la plage tropicale déserte avec ses palmiers, le flux et le reflux de la mer, la cuisine bien équipée d’Ernesto avec ses nombreux ustensiles, l’aménagement très confortable et un peu impersonnel de la chambre d’hôtel de luxe où se déroulent les ébats, la grande villa des Capella à Châteauneuf-Grasse, avec sa piscine, son luxueux salon avec baie vitrée donnant sur la piscine, la somptueuse salle Wagram à Paris où se déroule la cérémonie de distribution de prix de la parfumerie française, les bureaux de la direction de la parfumerie Capella et sa grande salle de réunion, la chambre d’hôpital de Claude Capella, un cours de golf, la plantation d’aloès pour récolter le calambac (bois de oud), etc. En outre, le dessinateur est amené à représenter plus éléments spécifiques à l’industrie de la parfumerie, ce qu’il fait sur la base de solides références : un laboratoire de développement, plusieurs zones d’une usine de production à Grasse avec ses fûts, et ladite plantation. Éventuellement, le lecteur peut rester un peu sur sa faim concernant l’art des flacons, car il n’en est pas question et ils ne sont pas montrés.



Kowalski impressionne l’évidence discrète de ses dessins et de sa narration visuelle, sans qu’une case ne pète plus qu’une autre, sans dessin démonstratif. Pour autant chaque personnage est visuellement pleinement incarné, facile à identifier sans être caricatural. De même, chacun porte une tenue vestimentaire en accord avec son âge et sa position sociale. La direction d’acteur est en cohérence avec la personnalité de chacun. Le lecteur se trouve tout naturellement transporté dans chaque scène de manière organique : tranquille et détendu sous les tropiques, assez impatient alors que l’escort-girl commence à faire usage de son charme et de ses compétences professionnelles, en pleine empathie avec le nez Noël Debruge qui voit une jeune femme commençant à lui expliquer son métier, et en même temps courroucé comme ladite jeune femme de se voir ainsi traitée de haut, conscient de l’opération de séduction à laquelle se livre Christian Capella pour essayer de rentrer dans les bonnes grâces de la fratrie, les tensions entre les différents membres de la famille Capella (Pierre-Jean, Christian, Hortense, Dominique) alors qu’il faut envisager la succession de leur père Claude Capella dans le coma à l’hôpital, que chacun a son propre objectif qu’il ne souhaite pas rendre public, et sa stratégie, tout en professant n’avoir que l’intérêt commun de l’entreprise à l’esprit (un beau jeu de sous-entendus et mimiques de façade), ou encore les informations livrées par le comptable Victor à Pierre-Jean Capella, en se retrouvant dans l’obligation d’expliciter ce qu’il a découvert, et de rappeler que son poste clé au sein de l’entreprise depuis des décennies fait de lui le dépositaire de quelques secrets sensibles.



Rendu participatif grâce à la narration visuelle sachant transcrire les détails des lieux et les nuances des caractères et des émotions, le lecteur observe les membres de la famille Capella, conscient des conventions du genre petites manipulations en famille pour mettre la main sur la direction de la société familiale. Cette trame bien balisée est enrichie par les éléments spécifiques à la parfumerie, bien présents sans être très techniques : l’ambre gris, le nez, les captifs, la mise en concurrence par le biais d’appel d’offre lancé par des grandes marques, le choix technique entre matières naturelles et produits de synthèse, le budget à investir dans la recherche et le développement, le caractère stratégique des approvisionnements, sans oublier le voyage dans un pays exotique pour négocier avec un fournisseur prometteur. En filigrane, transparait l’exigence capitaliste qui est de faire du chiffre d’affaires, de conclure des marchés, d’assurer l’avenir de l’entreprise, déconnecté d’une ambition créative en matière de parfum, tout étant ramené à la dimension économique. L’enjeu de la gouvernance de l’entreprise, plus que de la responsabilité, balance entre une question d’ego et une question de profit personnel, assorti de prestige, les compétences se situant sur le plan de la stratégie et des positionnements industriels, sans rapport avec le savoir-faire de composer un parfum. Une vision très matérialiste et concrète, dépourvue de dimension artistique.



D’un côté, le lecteur peut se dire qu’il a va découvrir un produit assez formaté, d’une famille ou d’un clan régnant sur une grande entreprise, et s’alliant ou s’opposant pour la succession du patriarche, alors que la société doit affronter des moments cruciaux pour son développement et même sa survie. D’un autre côté, même s’agit bien de ce genre, la narration visuelle révèle une solidité impressionnante, et un rendu parlant des nuances, et l’intrigue adopte un ton plutôt pragmatique que romantique, ce qui en fait un récit adulte et dur.
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