La femme ne peut engager son essence féminine qu’en portant le signe de cette présence ; le signe de la femme est le voile, ce voile qui désigne l’épouse. La femme qui reste soumise à l’ordre éternel ne peut prétendre qu’à un seul rôle culturel : être épouse de l’esprit masculin. Mais le sens des ordonnances éternelles était déjà perdu ! L’altération universelle de la vie de l’esprit devait entraîner l’altération de la communauté d’être entre l’homme et la femme. A la place de l’échange vivant des forces vint l’organisation ; à la place des liens de la nature et de la loi divine, vinrent les liens de la convention, à la place du mystère vint la discussion. L’intimité de « l’un pour l’autre » devint l’affaire de « l’un et l’autre » quand elle ne dégénéra pas en hostilité de « l’un contre l’autre ».
L’essor du mouvement féministe a coïncidé avec l’invention de ce mot insensé : la « lutte des sexes ». Ce serait une erreur et une injustice profondes que d’en rendre responsable le féminisme ; mais même dans les domaines où cette lutte n’a été ni voulue ni conduite, le féminisme a créé une zone dangereuse.
Et pourtant ce n’est pas dans la voie du refus de soi que la femme courut alors les plus grands dangers, mais bien dans le sens opposé. Cette pensée : « plus une femme est sainte, plus elle est femme », vaut encore naturellement quand on la retourne : moins une femme est sainte, moins elle est femme. Le rôle de la femme, en toutes circonstances, est irrévocablement lié à son caractère religieux.
(…)
Cherchant à entrer dans le monde spirituel de l’homme, elle s’est vue réduite aux méthodes de l’homme ; cherchant dans le monde social une place pour déployer ses propres possibilités, elle s’est laissé fixer comme un rouage dans la machinerie masculine, – elle a succombé, comme femme, deux fois plus fatalement aux mêmes limitations, aux mêmes erreurs, aux mêmes périls dont l’homme souffrait ! L’échec tenait donc moins aux buts du mouvement féministe et aux situations créées par lui qu’au caractère d’une époque qui jusque dans sa vie spirituelle ne connaissait plus ni liens absolus ni fins dernières. (pp. 85-86 & 88)