Le mot de jade évoque un objet de forme élégante et de couleur agréable, dont la matière est minutieusement ouvrée par la main d 'un patient artiste. Rien de délicat de comme un ces vases, une de ces boîtes, une de ces coupes, un de ces groupes d'animaux, vrais morceaux de lumière figée et ciselée, sur le coin d'un guéridon ou sur la tablette d'une vitrine.
L'erreur serait de se croire en possession d'une merveille proprement chinoise. Pour qu'un objet d'art soit chinois, il ne suffit pas qu'il l'ait façonné en Chine, dans une matière aimée des Chinois, et avec un décor de lotus, de dragons ou de chimères. Qui voudrait voir dans un vase de Sèvres un objet représentatif du génie français?
Rien de moins douteux que le caractère synthétique d'une civilisation. Pour avoir quelques chances de pénétrer le génie d'une quelconque d'entre les grandes civilisations historiques, le mieux semble être de l'aborder par plusieurs aspects à la fois, même si les remarques auxquelles on se livre sont fragmentaires et entachées d'arbitraire. Nous signalerons ici un trait commun à l'esthétique et à la philosophie de l'Inde, qui se révéleraient l'une et l'autre plus intelligibles aux Européens, si ces derniers essayaient d'une critique plus synthétique.
Les circonstances qui ont permis la réalisation d'un projet longtemps caressé par moi, — celui de voir et de photographier les parties inaccessibles de la Cité Interdite, — peuvent être passées sous silence puisqu'elles sont de peu d'intérêt pour le public.
L'autorisation m'en parvint inopinément; elle me venait par téléphone de l'appartement privé de l'Empereur, au milieu d'une après-midi brûlante du
début de l'été. J'étais alors étourdi de chaleur et de fatigue, de sorte que je ne compris pas d'abord toute l'importance du message. Je devais me présenter le lendemain matin, à onze heures, à la Chen Wou Men, porte septentrionale de la Cité Interdite, ouverte aux fonctionnaires mandchous pour les audiences hebdomadaires. Je pouvais apporter mon appareil, car on m'autoriserait à photographier tous les recoins du palais.
En 494, les Wei, maîtres de toute la Chine du nord, installent leur capitale à Lo-yang, et dès l'année suivante commencent dans le défilé de Longmen un sanctuaire qui se continue sous les dynasties Souei et T'ang jusqu'au huitième siècle. Entre Yun-kang et Long-men, exactement à mi-distance, se place le T'ien-long-chan, sanctuaire de dimensions plus modestes, mais qui a gardé quelques-unes des images divines les plus pures qu'ait inspiré au génie chinois le mysticisme bouddhique. Il est situé dans la chaîne de montagnes qui borde, à l'ouest, la vallée largement ouverte de la Fen, à deux étapes de la ville de T'ai-yuan-fou.
Il n'y a pas dans l'histoire de l'art de problèmes plus fascinants et plus difficiles que ceux de l'origine des grands styles artistiques qui dominent l'histoire de l'art du monde civilisé. Si nous pouvons maintenant suivre l'évolution de l'art égyptien dès l'époque néolithique, si nous sommes plus ou moins informés des courants qui formèrent le grand art de la Grèce classique, l'origine des arts asiatiques reste encore pour nous tous une profonde énigme.