Nos pas accordés au même rythme, Mère m’avoue, avec
beaucoup de douceur, à quel point je lui ai manqué pendant
cette année passée à Oran. Combien elle regrette le temps où
elle me regardait, avec inquiétude parfois, courir derrière mes
frères et galoper dans les champs sur des montures trop
grandes pour le petit garçon que j’étais. Père la rassurait
comme il le pouvait lui disant qu’un homme se devait
d’apprendre à mépriser la peur. Et rien de mieux que
l’équitation pour arriver à cela. L’enfance passe trop vite me
dit-elle. Cela fait un bon moment que je n’étais plus un
bambin aux yeux des miens. Elle devine la mélancolie
envahir mes yeux et me prend la main avec amour. C’est la
première fois depuis des années. Sa main délicate remplit le
creux de la mienne comme seule une mère sait le faire. Ses
doigts me commandent de m’armer de courage. Elle sait ce
qui m’attend durant les longs mois à venir.
L'Émir Abdelkader, figure majeure de la résistance algérienne face à la colonisation française en 1830, et fondateur du premier État algérien moderne, sera d'une aide cruciale dans la protection des chrétiens de Damas lors du massacre de 1860. Le roman met en avant des personnages emblématiques, mais méconnus des livres d'histoire ; notamment le colonel français qui fut le geôlier de l'Émir durant ses quatre années de détention en France, Estève-Laurent Boissonnet, humaniste comme l'Émir, croyant fermement en une étroite collaboration entre Algériens et Français dans un contexte qui, jusqu'à plus d'un siècle plus tard, demeurera compliqué. Ce roman est aussi une fenêtre sur l'Algérie du XIXe siècle où chacun des personnages revivra son lot de souvenirs douloureux, mais aussi, parfois, de souvenirs plus heureux.
De là où je viens, on dit toujours qu’il ne faut pas exprimer sa joie bien trop fort, mais que quoi qu’il arrive, il faut toujours que la joie, aussi temporaire soit-elle, prime sur le malheur.
Voyager vous laisse d’abord sans voix, avant de vous transformer en conteur.