Xavier Baert

… il se gratte lentement le torse sous le tee-shirt gris cendre, prolongeant le passage des ongles sur la peau, dans un temps étranger à celui des passants et du trafic automobile, assis sur le parapet de béton, trouvant peut- être des reflets d’une existence passée dans cette foule affairée, tenue par les horaires et les transports, les fiches de paye, les impôts et les obligations familiales, parmi ces jeunes gens aux vêtements propres et aux cheveux fraîchement coupés,
dans la lumière éclatante de l’après-midi, la fumée de cigarette, qui enveloppe son visage maintenu à l’ombre, dessine une trace fugace et légère, presque invisible, au bord de l’évanouissement, de la dilution dans l’air, entre les chapes d’asphalte épaisse et les murs de béton, plus solides que les existences fragiles que la jeunesse peut revêtir d’un temps proche de l’éternité, peut-être se rappelle-t-il un frère ou un voisin dans le jeune homme en chemise blanche qui traverse la rue, un ami d’enfance ou un ancien collègue dans le vendeur de la banca de journaux toute proche, un enfant ou un amour de jeunesse dans la jeune fille qui est entrée dans la pharmacie…